Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Compte-rendu d'activité de la POWN, deuxième semestre 1944

Okreg MOLODECZNO

 

Le district "Molodeczno" du 1er juillet au 15 décembre 1944

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Ce texte était rangé dans les papiers de Jan KULPINSKI, le chef régional de la POWN depuis 1942 ; je l'ai retrouvé par sa fille Hélène, en mars 2010.

La période rapportée est cruciale puisque c'est celle de la création du maquis POWN de Marigny et de la libération du bassin minier (6 septembre 1944).

 

La plupart des personnes mentionnées sont connues des fidèles de respol71; certaines y ont leur biographie. Elles apparaissent le plus souvent ici avec leur pseudonyme :

 

 

Jan                 KULPINSKI           L'auteur, chef régional POWN depuis 1942

Maciej             ?                         Venu de Lyon, chef du sous-groupe (au-dessous de

                                                SAMBORSKI, le chef du groupe Sud de POWN-Monica,

Michal             DZIADULSKI         Envoyé de Lyon pour contacter e-m AS,

Filip                 SOBIESKI            Curé des Essarts, d'abord co-chef de la propagande,

                                                puis chef de la propagande,

Szymon          OSUCHOWSKI      Instituteur du Magny, adjoint du chef de district,

                                                responsable militaire,

Bartosz           KOCLEJDA           membre de la direction de district, tailleur à Montceau

 ("Bartek")

Jurek              CHELMINSKI         Instituteur, membre de la direction de district, co-chef

                                               de la propagande avec Filip, puis chef de l'action civile,

Wladyslaw       KAWA                 Lieutenant de l'Armée polonaise, chef du maquis

"Topor"

 

De même de nombreux faits évoqués font ici et là l'objet d'articles...

 

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Montceau-les-Mines, 14 décembre 1944

 

Rapport d'activités

 

pour la période du 1er juillet au 15 décembre 1944.

 

 

Passage à l'action armée difficile, frictions avec les communistes

 

Directement après le débarquement allié et contrairement aux autres groupes de résistance, nous avons connu un empêchement sérieux de développer notre action de résistance, à cause de la non livraisons d'armes et d'explosifs par notre quartier général, ainsi que de la transmissions d'ordres freinant toute participation active. Cela a réduit l'importance de notre organisation sur notre territoire et a entraîné le départ d'un certain pourcentage de membres de POWN, ainsi que d'inorganisés vers les unités françaises en cours de formation ainsi que vers les "partisans polonais".

Ce groupe adverse a procédé, au moment du débarquement allié, à une importante agitation contre la POWN en s'attaquant à certains de ces membres (par ex Wieczorek), en envoyant des courriers avec menaces de mort (par ex le chef de poste Rogalski), mais aussi des menaces orales demandant d'arrêter l'activité au sein de POWN, sous peine de punition de mort (accidents arrivés à : chef du district Jan, adjoint Szymon, membres de la direction du district Jurek et Bartosz, chefs de postes Debski, Cichon, Frondzie, Polakowski, etc…)

Malgré cette contre agitation, nos membres n'ont pas arrêté leur activité, bien au contraire elle s'est intensifiée. Le chef de district Jan ou son adjoint créent pendant cette période des comités locaux dans toutes les colonies du bassin et au-delà. Une section de propagande se crée, dont les chefs sont Jurek et Filip. Dans notre district, on distribue beaucoup de tracts en Polonais et en Français. Les Polonais apprennent l'existence de POWN, et on observe l'arrivée de nouveaux membres. Dans le district, on a 474 membres. Les instituteurs de Montceau-les-Mines participent activement aux travaux du district, ainsi que le curé Sobieski, le couple Koclejda, le couple Szewczak et les sœurs (religieuses) des Gautherets.

Une seule action de propagande s'est avérée insuffisante : il y a nécessité de commencer l'action militaire. L'adjoint du chef de district Szymon et le (kwatermistrz) Bartosz se rendent à Lyon afin d'intervenir auprès du chef du sous-groupe Maciej pour accélérer la livraison d'armes.

Afin d'assurer la réception rapide des armes, on réorganise la direction du district, sous la direction du chef Jan, Jurek dirige l'action civile et Szymon est chargé de préparer l'action militaire, Filip dirige la propagande.

Le chef de district et son adjoint se rendent plusieurs fois au siège de l'état-major AS et F.F.I. conformément aux ordres reçus du quartier général afin d'entrer en contact avec la résistance française.

 

Jonction avec l'Armée Secrète, armement, installation au château de Marigny

 

Comme nous ignorons le mot de passe, les Français son méfiants. C'est à ce moment qu'un envoyé spécial du quartier général arrive, Michal, mais du fait qu'il ne connaît pas non plus le mot de passe, il est accueilli de la même façon. C'est quand Michal vient pour la 2ème fois avec les mots de passe inter-alliés que le contact est noué.

Entre temps, un premier transport d'armes est arrivé, 20 mitraillettes et munitions, bientôt le 2ème (22 mitraillettes). Ces armes sont partiellement distribuées entre les postes et partiellement mis dans un dépôt chez Michal. Une partie de ces armes et munitions a été transportée par Jan Wachowiak chez Bartosz sur une brouette, cachée sous des choux,. En route une patrouille allemande l'arrête, commence la fouille, mais grâce au sang-froid de Wachowiak, ils ne vont pas jusqu'au bout.

Le 19 août, un camp de POWN est formé à Marigny, dirigé par le chef Jan, où arrive la première partie de 25 membres de la Saule, avec à leur tête le chef du poste (Piotr) Ignaczewski. Les F.F.I. donnent ordre à la section d'observer et de défendre le terrain compris entre Marigny, Montceau-les-Mines et Montchanin-le-Haut, ainsi que de défendre la route principale et des routes latérales vers Châlon-sur-Saône. Le 24 août, arrive le lieutenant "TOPOR" qui devient commandant du camp, qui regroupe déjà 126 soldats. Quelques jours plus tard, le lieutenant Strzelecki arrive à son tour ; on lui confie la fonction d'officier chargé de l'alimentation, ainsi que les podchorazy Jedrosz  et Osuchowski, les caporaux Guzik et Rogalski qui deviennent commandants de pelotons (compagnies??).

Un entraînement intense de la section commence (il y a beaucoup de difficultés provoquées par l'insuffisance des armes : 42 mitraillettes, quelques revolvers pour plus de 120 soldats). En même temps, on réquisitionne des voitures et des motos, action dirigée par Koclejda, Guzik, Styczynski et Osuchowski.

Pour montrer l'existence de la résistance polonaise, le caporal Guzik accroche le drapeau blanc-rouge de la Pologne au clocher de l'église, le 1er septembre 1944 (retiré 3 jours plus tard) et de petits drapeaux sur le monument aux morts de Montceau-les-Mines.

Début septembre, on commence des actions de reconnaissance du terrain, on monte des barrages sur la route de Montceau à Marigny, où on a notre section, avec l'aide d'un groupe FM (à cause du manque de RKM chez nous). A ce moment notre camp a plus de 200 soldats.

 

La Libération

 

Le 7 septembre, notre section reçoit l'ordre d'occuper une position près de Montceau-les-Mines. Pour réaliser cet ordre, le groupe dirigé par le Lieutenant Topor avec le podchorazy Jedrosz et le caporal Guzik partent. Le chef de district Jan prend le commandement du camp. En apprenant le retrait des Allemands de Montchanin, un petit groupe dirigé par Podchorazy Osuchowski, les caporaux Styczynski et Rembowski, avec Makowski, y partent en voiture et piquent un camion allemand, le reste du groupe rencontrant l'ennemi est obligé de se retirer les Allemands étant trop nombreux. Le même jour, Bartosz-Koclejda a accompli une action exigeant beaucoup de courage et de sang-froid : uniquement avec sa femme Pelagia, il a piqué une voiture aux Allemands, dont ceux-ci s'étaient éloignés d'à peine une dizaine de mètres. Ils la cachent et la remettront plus tard en tant que don pour l'armée polonaise.

Le 8 septembre, le groupe du lieutenant Topor reçoit l'ordre d'occuper Blanzy. Le podchorazy Osuchowski arrive à Montceau avec son groupe où il entre en même temps que les premières unités françaises, et ils mêlent au drapeau français le drapeau polonais ; il est accompagné de Jurek et Bartosz. Dans l'a-m du même jour, la section du lieutenant Topor participe avec les F.F.I. au combat de Galuzot, où on a arrêté beaucoup d'esclaves (!!). Le lieutenant Strzelecki récupère un certain nombre d'armes et d'explosifs. L'unité du lieutenant Topor occupe alors des maisons à la Sablière à Montceau, le chef de district Jan part à Montceau afin d'organiser la mobilisation conformément aux ordres du quartier-général. Le commandement du camp de Marigny est confié à son adjoint Szymon-Osuchowski. Au cours des jours suivants, le camp de Marigny est abandonné et transféré à Montceau-les-Mines.

Nous soulignons que pendant son service, le soldat (starszy Strzelec) Stefan GAJEWSKI est mort et Idzy Koclejda est blessé.

 

Amorce de terreur et enlèvements communistes

 

Grâce à notre activité tranquille, le groupe adverse a été déstabilisé. La période des arrestations commence. Le 1er septembre, des enseignants sont victimes d'arrestations ; Mme LASECKA de Gueugnon, Messieurs DABROWSKI et CHELMINSKI, sont accusés d'avoir créé une 5ème colonne et d'avoir collaboré avec la Gestapo.  On fouille leurs appartements, en recherchant des tracts ou des machines d'impression. Ces fouilles n'ont pas donné les résultats espérés, du coup, on a pris une certaine somme d'argent (chez Mme LASECKA) ainsi que les cartes d'identité et un vélo (chez M. DABROWSKI).

Le kwatermistrz KOCLEJDA, les chauffeurs STYCZYNSKI et WYCHOWANIEC, tous membres de notre maquis, ont été arrêtés devant un garage où ils remplaçaient la batterie d'une voiture réquisitionnée. Ils ont été emprisonnés avec Jurek CHELMINSKI dans un camp près de la Tagnière, d'où après une intervention de la direction de l'AS, ils ont été vite libérés. On a essayé aussi d'arrêter l'adjoint du chef du poste des Gautherets CZAJKOWSKI, mais il a réussi à se sauver.

 

Recrutement pour l'armée polonaise, intégration de malgré-nous prisonniers

 

Au moment de la libération de Montceau-les-Mines, des bureaux de mobilisation ont commencé leur activité, ce qui correspondait au plan établi en accord avec le quartier-Général. 5 bureaux se sont créés, à Montceau, Gueugnon, la Machine, le Creusot et Autun. Le chef de la mobilisation était Jurek CHELMINSKI, en coopération avec les enseignants Mmes LEMBOWICZ, PORADZISZ, OSTROWSKA, MM. DABROWSKI et REMBOWSKI Wladyslaw. Chacun a bien réalisé sa tâche pendant l'activité de chaque bureau, qui n'était que de court terme, sauf pour celui de Montceau-les-Mines. Plus de 1000 personnes se sont enregistrées dans ces bureaux, le nombre de soldats du camp a augmenté considérablement et a atteint 450 personnes. Tout en menant cette activité de recrutement, on a formé plusieurs sections d'assistance sociale, dirigées par l'enseignante Melle LEMBOWICZ et une section d'intervention dirigée par CHELMINSKI. On a créé ensuite une section de la croix-rouge polonaise, dont la présidente était Pelagia KOCLEJDA. Son but était de prendre soin de nos compatriotes de l'ancienne armée allemande. Ces soldats se trouvaient dans différents camps de prisonniers et il était nécessaire d'urgence de les bien nourrir. Cette action couvrait les camps de Nevers, Dijon, Paray-le-Monial, Chalon et Montceau-les-Mines. Partout, grâce à l'intervention des membres de la direction du district, on a réussi à améliorer leur situation. Ce travail a été effectué par Filip-le curé SOBIESKI, nommé aumônier militaire de notre camp. De plus PCK (Croix-Rouge) polonaise a continué ses actions de charité commencées par le chef Jan dans notre district.

 

Départs pour l'Armée d'Italie, réorganisation locale

 

Fin septembre, on procède à la démobilisation partielle de la compagnie du Lieutenant Topor. Cette démobilisation concerne d'abord ceux qui n'appartiennent pas à POWN, et, pour ceux-ci, après examen par un médecin militaire. Sur le nombre total des membres de POWN de notre district, 180 sont partis dans l'armée polonaise, 150 sont restés sur place et quelques uns restent au poste militaire de regroupement n°5.

Le 15 septembre, se tient la première réunion des comités locaux de combat, dirigés par le chef de district Jan, en présence d'un délégué du consulat de la République polonaise D. SZYBOWICZ. Au cours de cette réunion, se crée le Comité de Combat de district. Il existe jusqu'à ce jour avec KUBICA en tant que président.

En même temps, le chef de district Jan, conformément à l'ordre donné par ses chefs, passe à l'organisation civile en tant que secrétaire OKW i Z.P (secrétaire du comité de combat du district et ZP??), en transmettant les affaires militaires au lieutenant Topor. Simultanément le poste de regroupement n°5 s'organise sous le commandement du lieutenant Topor et du chef du district Jan ; il existe jusqu'à ce jour en envoyant au poste de regroupement de Marseille 180 soldats, membres de POWN, environ 50 volontaires, ainsi que d'anciens soldats d'origine polonaise de l'armée allemande.

En ce moment, le chef de district Jan ne s'occupe que des affaires civiles, en particulier en s'occupant des familles de soldats aidés par l'adjoint Szymon-OSUCHOWSKI, Jurek-CHELMINSKI et l comité de combat du district.

 

            Signé : chef de district MOLODECZNO POWN.

 

            Montceau-les-Mines, le 14 décembre 1944.

 



05/12/2023
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