Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Le carnet de Wladyslaw Imielski


3 décembre 2013 - document communiqué par la nièce de W. Imielski, Mme Evelyne Mercier.

Grand merci à elle !

 

 

Obraz 000.jpgObraz 02.jpg

 (Cliquer sur la page pour agrandir - la suite du carnet est en fin d'article)

 

 

 

Wladyslaw Imielski est né le 22 février 1915, premier enfant d'un couple de Zabkowice, en Silésie.  Peu après la naissance de sa jeune sœur Antonina, en 1920, la famille émigre vers la France et vient s'installer à Montceau-les-Mines où le père a obtenu un contrat de travail. Les Imielski comptent donc parmi les premiers mineurs Polonais arrivés en Saône-et-Loire. Ils sont logés dans le quartier des Alouettes, où se mêlent ouvriers Français et immigrés polonais et Italiens. La famille s'agrandit rapidement puisque, entre 1925 et 1933 naîtront 4 autres enfants. A la veille de la guerre, ils habitent au 19, rue du Stade (cf recensement de 1936) et le fils aîné Wladyslaw travaille au lavoir des Chavannes, installation des plus modernes du moment, qui fait l'orgueil de la compagnie des mines de Blanzy.

Fin novembre 1939, il est appelé par l'armée que le gouvernement polonais du général Sikorski, réfugié alors en France, lève parmi l'émigration…

C'est à ce moment que Wladyslaw fait commencer son carnet ; l'intérêt réside d'abord dans la description de cette "tranche de vie" d'un jeune ouvrier polonais, attaché tout autant à construire sa vie qu'à participer aux évènements du temps. Il se termine par son engagement tardif au maquis Mickiewicz…

 

Traduction (Hanna Horban, de Varsovie), tous les lieux mentionnés ont été vérifiés...

 

 

Journal de novembre 1939

 

J'ai arrêté de travailler le 25 novembre 1939 au lavoir des Chavannes car j'étais convoqué à l'armée polonaise en Bretagne, à Coetquidan. J'y suis arrivé le 4 décembre 1939. Un mois plus tard, je me suis retrouvé dans la Compagnie de commandement à Plélan-le-Grand. Mon  chef de peloton était le sous-lieutenant Wyganowski ; à son départ, il a été remplacé par le lieutenant Rosywac  ; le chef d'unité était le lieutenant Gzowski, le chef de compagnie des pionniers était le lieutenant Rozycki, le sergent-chef  Jackowski, l'aspirant Padol Janoszewicz, SP.30.163 mat. 12323.

J'ai pris ma première permission du 15 mars au 1er avril 1940.

Le 20 avril 1940, je suis parti de Plélan-le-Grand et je suis arrivé à Vicherey -Vosges le 22 avril. Mon unité était affectée à la 3ème ligne de front. Là, on a reçu des motos et le 1er mai, on m'a donné le grade de fusilier de 1ère classe.

Je suis parti de Vicherey le 16 mai, arrivé à Sommerviller (Meurthe-et-Moselle),  le 19 mai.  10 jours plus tard, on est parti vers Alberstroff et en première ligne près de Sarrable et de Forbach. Il y eut là une forte attaque contre notre 1ère Division et notre première Division a dû se retirer.

 

Xousse, le 17 juin 1940

A Lagarde, le matin, notre groupe a reçu l'ordre de repérer la direction où se trouvait l'ennemi,, mais on a été surpris par une patrouille allemande. Heureusement les grenades lancées par l'ennemi n'ont tué personne, mais deux d'entre nous ont été blessés quand on s'est retiré…

Grâce au courage de notre lieutenant Rosywac, l'ennemi s'est retiré, mais nous avons été obligés de détruire nos motos, car le pont avait sauté et nos camarades, avec le lieutenant, ont traversé par une écluse du canal de la Marne au Rhin, et moi, avec mon camarade Skowyra, je n'ai pas réussi car l'ennemi tirait dans notre direction. Nous avons donc traversé le canal à la nage, et nous nous sommes rendus au village de Xousse où nous avons retrouvés nos compagnons.

 

Le soir-même du 17 juin, la première Division a contre attaqué ; notre unité y a participé. On a repoussé les Allemands de 5 km ; beaucoup d'entre-nous sont morts, dont  le lieutenant  Rosywac et deux camarades..

 

Mardi matin 18 juin, attaque de l'artillerie ennemie sur ce village de Xousse ; c'était au moment où je préparais la liste des tués et blessés de notre unité. J'ai été obligé de me sauver à pied à Baccarat, de là en voiture par Raon-l'Etape jusqu'à St-Dié, ville ouverte. Je suis arrivé à St-Dié le mercredi 19, où j'ai abandonné mon arme ; le vendredi, les Allemands sont arrivés aux environs de St-Dié…  Le samedi  matin, les Allemands nous ont arrêtés.  C'était le 22 juin.

 

Après, 3 jours de marche par Saales jusqu'à Ebersheim, près de Sélestat, le 24 juin  – 10 jours.

 

Départ d'Ebersheim, le 4 juillet – 2 jours de marche jusqu'à Schiltigheim (…). J'y suis resté 24 jours. La nourriture était très mauvaise, on était presque morts de faim. Le matin, ¼ de café… au déjeuner ¼ d'eau chaude avec un oignon, le soir ¼ de la même eau qu'au déjeuner, un pain pour 10, 12 ou 13 hommes… et c'était rarement assez pour 5 ou 6… Au 14 juillet, pour fêter la fête nationale, on est resté 3 jours sans pain !

 

Front Stalag 210 St

 

Le 28 juillet 1940, on part en direction de Strasbourg, à la caserne de l'arsenal.  Dans ce camp, la nourriture est un peu meilleure. On travaillait au bord du Rhin au démontage de la ligne Maginot.

Après deux mois, ce travail étant terminé, on a quitté Strasbourg le 29 septembre pour se rendre au camp d'Hoberhoffen ?? (Alsace), où se trouvait la majeure partie du 23ème régiment d''infanterie.

Travail forcé, mauvaise nourriture, mais nous avions quand même un peu plus de pain. Le matin, on partait pour toute la journée dans des camions conduits par des prisonniers anglais ; le soir, vers 8h,  on mangeait ensemble le déjeuner et le diner. Le travail consistait à ramasser des munitions de différents calibres, à charger des obus de 155mm sur les camions, puis on les déchargeait dans la forêt de Mertzwiller.

 

Le samedi 19 octobre 1940, à 11 heures, comme je connaissais bien ce village de Mertzwiller où j'avais travaillé pendant toute la semaine, je me suis échappé de cette forêt en profitant d'un moment où je n'étais pas surveillé, et je suis parti dans la direction du Sud-Ouest.

Après avoir traversé le village de Mertzwiller, j'ai rencontré deux hommes qui m'ont donné un pantalon, une casquette, de la nourriture, du vin et de l'argent… Après avoir mangé, j'ai continué mon chemin pendant (25 km ?) à travers la forêt et les champs. Je suis arrivé au village de Gebolsheim, j'ai vu deux femmes qui chargeaient des betteraves sur des charriots et leur ai demandé ma route, mais en voyant que je m'étais sauvé du camp, elles m'ont invité chez elles. Après avoir mangé, Mme Wolff m'a dit de rester alors que la nuit approchait. Je suis resté volontiers, très content de rencontrer des gens aussi bien. Mme Wolff avait deux filles, très sages ; leur père était parti à la guerre, il était dans la police secrète du gouvernement de Vichy. Le lendemain, après le petit déjeuner, Mme Wolff m'a préparé de la nourriture pour plus de deux jours ; elle m'a donné 50 Frs et une veste et m'a montré le chemin pour Sarrebourg.

  

Mes étapes

 

Etape 1 – samedi 19 octobre : Mertzwiller, Gebolsheim,

Etape 2 – dimanche 20 octobre : Gebolsheim par Saverne, Sarrebourg, Lorquin ; je passe la douane à Bertrambois le 22 octobre en direction, par Cirey et Badonviller, de Raon-l'Etape.

                 Hébergé le 23 octobre à Aydoilles.                                                          [= Epinal]

Etape 3 – jeudi 24 octobre : Aydoilles, Raon-aux-Bois.

Etape 4 – vendredi 25 octobre : Raon-aux-Bois, Corbenay.

Etape 5 – samedi 26 octobre : Corbenay, Colombier.                                              [= Vesoul]

Etape 6 – dimanche 27 octobre : Colombier, le Magnoray.

Etape 7 – lundi 28 octobre : le Magnoray, Chambornay-les-Pins                          [= Besançon]

Etape 8 – mardi 29 octobre : Chamborney, Roset-Fluans.

Etape 9 – merc. 30 octobre : Roset, Montbarrey.                                                   [= Dole]

Etape 10 – jeudi 31 octobre, Montbarrey, je passe la ligne de démarcation, arrivée à Poligny.

Vendredi, départ en train de Poligny, par Lons-le-Saulniern et  Lyon, arrivée à Mâcon le soir du 1er novembre 1940.

Résumé, route de Mertzwiller à Poligny en 10 étapes et 13 jours de marche à pied…

 

La liberté retrouvée, une nouvelle vie

 

1er novembre 1940

Arrivée à Mâcon le 1er novembre, chez ma fiancé et mes futurs beaux-parents, je suis resté jusqu'au 5 janvier 1941. Je suis allé deux fois à Lyon pour y régler ma démobilisation, mais j'ai été obligé de me sauver, car on voulait m'envoyer dans un camp de travail dans le Sud de la France car j'arrivais de la zone occupée.

Après deux mois de séjour chez ma fiancée, Justyna Faber, je suis parti avec la recommandation de mon ancien ingénieur M. Pozzetto, en direction de la mine de Chatelus, des houillères de la Loire, à  St-Etienne. J'ai commencé à y travailler comme ouvrier à partir du 13 janvier 1941. Je gagnais 58 Fr. et 10 centimes par jour… Pendant un mois je louais une pièce au citoyen Sierpniak, en payant 400 Fr de pension par quinzaine. Ensuite, j'ai déménagé et j'ai habité au 32, rue Ferdinand où je payais 125 Frs par mois.

Le 6 mars 1941, je me suis blessé à l'annulaire gauche et je suis resté 10 jours à l'hôpital ; je n'ai repris le travail que six semaines plus tard, le 28 avril 1941. La police de St-Etienne m'a obligé à aller me faire démobiliser, ce que j'ai fait le 29 janvier 1941. Je n'ai reçu ni prime, ni vêtement…

 

Le 5 avril 1941, j'ai épousé ma fiancée Justyna Faber (Stefanie), née le 9 août 1920 à St-Quentin, en France, fille de Joseph et de Justyna Pfeffer de Varsovie.   Son père travaillait comme maître-maçon à Mâcon, département de Saône-et-Loire. Deux jours après le mariage, j'ai emmené ma femme à St-Etienne où je travaillais. Ma femme est restée à l'hôpital deux mois, du 24 novembre au 18 décembre, car elle avait un problème à une jambe.

 

Le 21 janvier 1942, il y eut une grande catastrophe à la mine de la Chana, provoquée par une explosion de gaz (coup de grisou), avec 62 morts et 27 brûlés. Les obsèques ont eu lieu le 24 janvier 1942 ; ce jour-là, la mine était fermée et le maréchal Pétain est venu aux obsèques.

 

Le 22 février 1942, j'ai quitté St-Etienne pour Montceau-les-Mines, chez mes parents, bien que la ville ait toujours été occupée par les Allemands. J'étais obligé de le faire à cause de l'état de ma femme qui était enceinte. J'avais peur d'être dénoncé comme évadé d'un camp allemand, mais heureusement il n'en a rien été. Le 3 mars 1942, je traversai la ligne de démarcation avec ma femme, qui était au 7ème mois de sa grossesse. On n'a rencontré aucun Boche grâce à ma sœur Antonina Traba qui connaissait bien le chemin. C'est ainsi que le 3 mars 1942, après avoir encore fait 16 km à pied, je recommençais à travailler aux Chavannes, mines de Blanzy, mais pas au même poste qu'avant la guerre, car ma fonction était maintenant occupée par un Français de la centrale de Lucy. Je travaillais comme ouvrier avec les mouleurs  et un an plus tard, je touchais un salaire de mouleur. Je suis resté à ce poste jusqu'au 21 août 1944, jour où je suis parti chez les partisans.

____________

 Le mercredi 6 mai 1942, ma fille Janina est née à 10h15 ; elle pesait 6 livres

Un dimanche, deux ans plus tard, mon fils est né à 5 heures, le 7 mai 1944 ; il pesait 8 livres…

  

Au maquis

 

C'est donc le 22 août 1944 que j'ai rejoint les partisans ; j'aurais pu le faire plus tôt, mais ce n'était pas nécessaire… car beaucoup de voisins célibataires n'étaient pas très pressés d' y aller. Moi j'avais souffert beaucoup quand j'étais prisonnier, et comme j'avais deux enfants en bas âge, je ne suis entré au maquis que quand j'ai su que j'y serais utile.

Le 22 août, avec des voisins célibataires, on est parti dans la forêt à Vernizy, Aigrefeuille, sous les ordres du lieutenant-colonel Maslankiewicz, du major Bargiel et du lieutenant Nowak. Mon pseudonyme était Sarna  (= la biche) ; j'étais adjoint du chef de groupe avec le grade de caporal ; quand le chef de groupe Tadek Sikora a été blessé,  je l'ai remplacé et je suis devenu sergent…

 

 

__________________________ 

 

Ainsi se termine le texte... Que s'est-il passé ensuite ? Au lendemain de la bataille d'Autun, la Libération venue, Wladyslaw Imielski est resté au sein de la formation polonaise et s'est engagé dans la 1ère Armée française ; il a donc participé à l'histoire du 19ème GIP jusqu'à sa démobilisation à Varsovie, en novembre 1945 - voir série de 3 articles . Il a été recruté alors dans les rangs de la "Milice" et a été envoyé participer à la "construction du socialisme" à Olsztyn, dans le Nord de la Pologne, où son épouse et ses deux enfants l'ont rapidement rejoint…

Nous espérons publier prochainement quelques photos...

 

 

Suite du carnet (cliquer sur chaque page pour agrandir) :

 

 

Obraz 03.jpg

 

Obraz 04.jpg

 

Obraz 05.jpg

 

Obraz 06.jpg

 

 

 

 



03/12/2013
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 441 autres membres