Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

LES TEMERAIRES - synthèse : points essentiels

 

 

LES TEMERAIRES – une histoire neuve de la Résistance

Cités et maquis à Montceau-les-Mines avant mai 1944

 

Livre de Gérard Soufflet & Jérémy Beurier,  préface Robert Chevrot

(édité par les auteurs, en coopération avec La Physiophile - sortie octobre 2020)

 

 

Les points essentiels

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Un long travail d’archives – Pendant près de 5 ans, les auteurs ont dépouillé une masse imposante d’archives publiques : Archives départementales de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire, Service historique de la Défense, Archives de la justice militaire, Archives de l’ANGDM (caisse de retraite des mineurs)… Parmi cette masse de documents, ceux issus des archives de la gendarmerie, de la police (montcellienne ou régionale) et de la justice ont un intérêt considérable ; recoupés avec d'autres sources et avec des récits recueillis auprès de témoins, de leur vivant ou dans les documents qu'ils ont laissés, on arrive souvent à approcher ainsi la vérité de ce qui fut.

 

Les origines de l'engagement résistant - La préface de Robert Chevrot, vice-président de la revue La Physiophile, insère cet engagement des années 40 dans une longue tradition régionale de révolte, enracinée dans le temps long de l’histoire. Les auteurs vont dans le même sens, en établissant un lien direct avec l’héritage encore vif de la Bande noire, aux origines du mouvement syndical des mineurs montcelliens.

 

Un livre centré sur la période fin 1942 à mai 1944 – C'est la période de la clandestinité où se construisent les organisations qui vont apparaître après le Débarquement du 6 juin 1944 et former les maquis de la Libération.  Démantelé par la police de Vichy entre 1940 et 1942, le parti communiste repart alors de presque rien pour affronter la période de la Résistance ; les gaullistes apparus à ce moment rassemblent peu à peu trois courants formés indépendamment ; les Polonais mettent sur pied deux organisations concurrentes ; dans les quartiers les jeunes sortant de l'adolescence forment une masse remuante ayant soif d'actions brisant la routine de l'Occupation. Montceau est alors le siège d'une agitation de toutes origines, contre laquelle la police française ne sait où donner de la tête. Le livre décortique cette histoire et y détaille les étapes d'organisation des mouvements de résistance, en même temps que les enquêtes et actions des polices, françaises et allemandes,  pour les démanteler.

La période – et le livre – se conclut par les grandes vagues d’arrestations et de déportations de février 1944, dont on suit le déroulement pas à pas, et dont on détaille les suites, jusqu'à mai 1944.

 

 

Les bandes de jeunes des quartiers

 

Durant une longue période, ils furent plus nombreux à résister que communistes et gaullistes réunis ; leur importance constitue une surprise du livre ; rassemblés d’abord par le parti communiste clandestin en compensation de la faiblesse du recrutement FTP, utilisés par l’échelon départemental pour former un maquis FTP dans la région châlonnaise (à la Charmée), qui allait très largement s’appuyer sur les ressources montcelliennes, une fraction allait finalement rejoindre la résistance gaulliste. Ils y furent utilisés de même façon pour former le premier maquis de l'Armée Secrète montcellienne, dit "maquis Marc Popeye". Ce maquis agissait au SO de Montceau,   entre Toulon-sur-Arroux et Gueugnon .

Dès lors agissant de connivence, ceux qui étaient passés aux gaullistes et ceux qui ne l’avaient pas fait, n’allaient plus suivre les consignes de personne. A l’origine de divers sabotages et exécutions symboliques (un ingénieur du puits des Alouettes, Jean Bousquet, trop dur avec ses ouvriers, un policier du commissariat de Montceau, Jean-Marie Régnier, jugé trop zélé), les bandes de jeunes des quartiers en bousculant les institutions s’attirèrent l’hostilité des organisations résistantes adultes. Arrêtés en masse lors des rafles de février 1944 puis les semaines suivantes, ils allaient constituer un gros détachement des déportés.

Signe de leur  marginalité, la référence à leur organisation, les Forces Unies de la Jeunesse Patriotiques (FUJP) fut prohibée des récits, et leur mémoire elle-même disparut.

 

 

Les policiers de Vichy

 

Une alliance contre-nature avec les gaullistes de Montceau ?  Le commissaire Marsac, à la tête de la section politique de la police judiciaire de Dijon, fut le dirigeant régional de la répression contre la Résistance. Il intervint ponctuellement  à Montceau dès 1942 puis au fil des affaires jusqu'en 1944. Après la Libération, extirpé de sa prison de Dijon, il fut lynché par la foule, le 15 février 1945. Si son procès par la Cour de Justice de la République n’eut donc pas lieu, le dossier d’instruction conservé aux AD21 révèle que la défense qu’il préparait  reposait sur l’affirmation de sa lutte contre les seuls communistes, au profit d’un soutien à ce qu’il appelait "la vraie résistance gaulliste". Les historiens qui se sont penchés sur cette histoire se sont appuyés surtout sur des exemples en Côte-d’Or. Or les auteurs des « Téméraires » ont mis en évidence que les arrestations à Montceau en février-mars 1944, constituaient en réalité un point crucial de sa défense, documenté par un grand nombre de témoignages de toutes origines. Sans prétendre juger, le lecteur constatera qu’il y eut très probablement en effet une connivence entre les hommes de Marsac (la police de Vichy), et le commandement gaulliste du bassin minier (Henri Vairon) pour arrêter en février 1944 les jeunes issus de la résistance communiste, une réalité qui aurait été inaudible au lendemain de la guerre.

 

Les limiers de Marsac – Ses inspecteurs les plus actifs à Montceau font l’objet de notes biographiques et de portraits saisissants, les plus remarquables concernant 1/ un métis franco-chinois né à Montchanin, René Liou-Tchen-San, dit « le Chinois » dont le faciès énigmatique impressionnait particulièrement les Montcelliens, et 2/ un personnage redouté et brutal, l’inspecteur Georges Bon qui avait inventé une torture moyen-âgeuse, faisant monter ses victimes, pieds  nus,  sur le fer d'une bêche posée contre un mur..

 

 

Chez les mineurs

 

Assassinat du secrétaire du syndicat  /  une organisation originale chez les gaullistes

 

Deux problématiques sont présentées ; celle des efforts du parti communiste pour renforcer son implantation dans cette profession, hautement stratégique alors à ses yeux ; on y comprend les dessous de l'assassinat en juillet 1943 du secrétaire du syndicat des mineurs Marius Mathus puis les rôles respectifs de  la CGT clandestine et du syndicat légal ; le déroulement de la grève des mineurs d'octobre 1943 est rapporté avec cette approche, de façon moins manichéenne que d'ordinaire.

 

L'autre problématique traite de la forme de résistance adoptée par cette catégorie professionnelle (les mineurs) ; elle n'avait pas été à la pointe de l'engagement dans le département, les cheminots de Paray-le-Monial ou Chagny ayant été plus précoces, mais un mouvement original s'y développa dans l'été 1943, à l'initiative de deux ingénieurs gaullistes, Dourille et Griveaud. Ils mirent en place une organisation des futurs maquis calquée sur l'organisation professionnelle des mlneurs de fond. Appelé "MORB" (mouvement ouvrier de résistance des mines de Blanzy), ce dispositif prépara, de façon dormante, les futures unités qui sortirent de l'ombre, organisées et armées, au lendemain du débarquement.

 

 

Les inconnus

 

Si la mémoire locale a conservé les noms de quelques chefs de maquis de  la Libération comme Paul Mercier, Edmond Dourille et Georges Griveaud (« capitaines » Benoît, Lucien et François de l'AS) ou Louis Boussin « Charlot », Paul Dessolin "Pietro", Léon Allain "Hector", Antoine Bar "le Barbu", chefs des FTP, ceux de la période clandestine qui précéda sont généralement peu connus. Raymond Barault "Jean Roche" est encore évoqué car sa mort récente a donné lieu à quelques articles ; quant à Henri Vairon, c'est son suicide pour ne pas parler une fois tombé entre les mains des Allemands qui en a fait une icône incontestable de la résistance gaulliste.

Le livre "les Téméraires" fait surgir de l'ombre une masse d'inconnus, certains simplement oubliés car ils ne furent que d'humbles combattants, mais d'autres plus injustement car ils furent effacés de l'histoire.

Ne citons que quelques noms :

  • Marcel Dérozereuil, chef des FUJP pour le bassin minier, puis pour la S&L occupée, mort en déportation.
  • Lucien Vannier et Marc Boillet, durs des durs, passés des FTP aux gaullistes qu'ils jugeaient plus efficaces, fusillés l'un par les Français, l'autre par les Allemands. Notons que Marc Boillet est encore honoré à Chagny, où une rue porte son nom, mais inconnu à Montceau où il avait migré et où il fut arrêté par les hommes de Marsac.
  • Henri Thévenet, qui était garagiste rue Paul Bert et qui fut chez les gaullistes l'égal d'Henri Vairon ; il avait monté ses propres réseaux et était  particulièrement visé par les Allemands qui l'arrêtèrent et lui firent subir les pires tortures. Il fut l'objet d'une indigne cabale à son retour de déportation. Il avait la passion de l'aviation ; fondateur de l'aéro-club de Montceau et initiateur du terrain de Pouilloux, il mériterait pourtant que son nom leur soit donné.
  • Robert Simon et Edmond Famin, deux blanzynois qui finirent abattus par leurs propres camarades, injustement pour l'un et l'autre comme on finira par le reconnaître (Robert Simon vient seulement de se voir accorder la mention "Mort pour la France", en signe de réhabilitation).

 

 

Les déportés

 

De belles pages suivent sobrement le destin des déportés… (chap XIV – p.342)

 

 

Construction de la mémoire

 

Constatant avec amertume ce qui reste aujourd'hui de cette période, les auteurs abordent  les mécanismes qui aboutissent à imposer une version de l'histoire conforme aux besoins des dominants : travestissements, oublis, partiels ou systématiques pouvant conduire  à de vrais nettoyages mémoriels. (chap. XV).

 

 

Où trouver ce livre ?

 

Dans le bassin minier… "Les Téméraires "  (400 pages – 23 €) est en vente à l'Espace Culturel Leclerc et dans les trois magasins  Intermarché .

Partout ailleurs…   Il est diffusé nationalement par " Rendez-Vous avec la Nature" et peut être commandé dans toute librairie du réseau des "librairies indépendantes"..

 



06/10/2020
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