Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Stanislaw RYCHLIK, l'organisateur de la communauté polonaise...

Gérard Soufflet - juin 2021

 

 

RYCHLIK Stanislaw jpeg

 

Stanislaw RYCHLIK  (1898 – 1945)

 

 

          Né à Borek, région de Poznan, le 22 septembre 1898, Stanisław Rychlik passe sa jeunesse dans cette partie de la Pologne sous occupation allemande et y apprend le métier de coiffeur. Pendant la Première Guerre mondiale, il sert dans l’armée allemande comme infirmier. La paix et l’indépendance de la Pologne venues, il se marie et décide d’émigrer avec son épouse. A son arrivée en France, le 5 février 1922, il est dirigé sur Montceau-les-Mines et recruté immédiatement par la compagnie des Mines de Blanzy comme manœuvre au puits des Alouettes (4 mars 1922).  Le couple est logé d’abord dans une « baraque » de Rouvrat, puis dans une nouvelle maison de la Saule (7, rue Pasteur). De tempérament actif, Stanisław utilise une pièce de son logement comme épicerie pour ses compatriotes ; il fait aussi le coiffeur pour ses collègues de travail et à l’occasion l’infirmier (pose de ventouses).

 

RYCHLIK Infirmier allemand jpeg

 

1914-18 - RYCHLIK Infirmier allemand

RYCHLIK - 7

 

Epicerie au 7, rue Pasteur

 

 

             Il adhère au syndicat CGT le 30 mai 1924 et devient membre de la section n°30 du quartier de la Saule. Surtout, il est un fervent animateur du mouvement associatif du quartier : on le retrouve dans les manifestations gymniques des Sokols et en 1929, il est président du cercle théâtral amateur « Juliusz Słowacki » (déclaré au JO du 1er août 1929) ; en 1931, c’est la présidence d’une union polonaise de tir qui lui échoit (déclaration au JO du 26 juillet 1921). Il s’agit d’une association nouvelle, inspirée des sociétés paramilitaires de francs-tireurs développées en Pologne pour le soutien au maréchal Piłsudski. En France, les « Strzelcy » n’obtiennent pas le droit de pratiquer le tir sportif, mais proposent aux jeunes la pratique de l’athlétisme, du volley-ball et de la boxe. Sociétés à vocation d’encadrement politique et de préparation militaire, elles ont un caractère laïc marqué, ce qui n’est pas pour déplaire à Stanisław Rychlik, dont le catholicisme profond s’accommode d’une touche d’anticléricalisme.

 

Sokol la Saule 3 mai

 

thèâtre la Saule vers-25

 

 

ZS we Francji009 - 1936 from Goszka - CopieAssemblée des Strzelcy - 1936

 

 

          Les Rychlik ont quatre enfants, tous nés à Montceau (Stanisław en 1922, Albin en 1924, Théodore en 1927, Lucie en 1929), dont la jeunesse est marquée par l’activisme du père, qui les entraîne au service de ses nombreuses missions. Dans le courant des années 30, il est promu président du Comité régional de coordination des Sociétés polonaise et voit son champ d’action couvrir les colonies de Saône-et-Loire (le Creusot, Montchanin, Saint-Laurent d’Andenay, Gueugnon, Bourbon-Lancy), ainsi que la Machine dans la Nièvre.

          En 1936, après la réunification CGT – CGTU et la création à Montceau du syndicat des mineurs CFTC, il choisit cette nouvelle affiliation, entraînant avec lui de nombreux compatriotes de la Saule (bulletin d’adhésion n° 65 du 26 novembre 1936).

           

RYCHLIK - Alouettes

 

1936 CFTC - Rychlik Stanislaw (2)

 

        La guerre éclatant et la Pologne bientôt occupée par l'Allemagne nazie et l'Union soviétique, Stanisław Rychlik va mettre ce réseau associatif au service du gouvernement polonais du général Sikorski qui s'est réfugié en France en vue d'y poursuivre le combat et d'y reconstituer une armée : envoi à Paris de scouts de Montceau en appui aux administrations polonaises en cours d'installation, organisation fin octobre 1939 des conseils de révision du bassin minier pour la mobilisation dans l'armée polonaise qui se réorganise à Coëtquidan (Morbihan). Avec le curé Augros de Montceau-les-Mines, il est à l’origine d’une messe patriotique tenue le 12 novembre 1939 en l’église de Montceau en l’honneur des soldats tombés sur les fronts de Pologne et de France. Y sont conviés les autorités françaises, civiles, militaires et religieuses, de Saône-et-Loire, le consul de Pologne à Lyon, les associations d’anciens combattants du bassin minier et bien sûr toutes les associations polonaises.

 

Pour les fêtes de Noël 1939, Stanisław Rychlik organise une vaste opération d’accueil dans les familles immigrées de Montceau et du Creusot des aviateurs polonais, évacués par la Roumanie et regroupés sur la base de Lyon Bron. Plusieurs centaines d’aviateurs se lieront ainsi avec des familles de mineurs polonais, entamant des relations qui dureront tout le temps de leur présence en France, et, pour certains, bien au-delà… (voir article Noël des aviateurs ).

 

 

            Ces mobilisations ouvrent le chemin de la Résistance ; car le temps de l’occupation arrivé après l’armistice du 22 juin 1940, la ligne de démarcation, qui sépare la France occupée de la France dite « libre », vient couper en deux le département de Saône-et-Loire, faisant de Montceau une ville frontière. Le consulat de Pologne maintenu à Lyon charge alors Rychlik de mettre en place et d’assurer le fonctionnement d’une voie de passage de la ligne, destinée en premier lieu aux militaires polonais et aux évadés de la zone occupée qui cherchent à gagner Lyon et de là un acheminement vers l’Angleterre où s'est réfugié le gouvernement Sikorski. Il s’en acquitte avec entrain, mettant à contribution ses fils, les responsables des associations et les anciens combattants polonais de sa connaissance, à Montceau et au Creusot. Plusieurs voies de passage sont ainsi assurées, à proximité de Montceau et de Montchanin. Il se charge également du transit d’un abondant courrier qui lui est adressé à son domicile et qu’il fait acheminer en zone non occupée. Cela éveille bien vite l’attention des autorités allemandes de la Kommandantur de Montceau ; par deux fois les Rychlik seront arrêtés, en novembre 1940 puis début 1941, durement interrogés mais finalement relâchés. Sur les indications d’une jeune polonaise employée alors comme interprète à la Kommandantur, Stanisław comprend vite qu’il va être définitivement arrêté et décide, en février 1941, de quitter son travail à la mine, de passer la ligne et de gagner Lyon, où il sait pouvoir trouver à s’employer au service de la Résistance. En juillet 1941, l’organisation de résistance POWN qui vient de se créer à Lyon au service du gouvernement de Londres, lui attribue la fonction de « chef des agents de liaison » sur le trajet Lyon-Montceau, Montceau devenant un lieu de passage privilégié pour la construction de la POWN dans le nord de la France.

 

            Début 1942, son épouse et ses quatre enfants, eux-aussi menacés, passent également en zone libre et la famille se réunit sur le territoire de la commune du Mont-Saint-Vincent, à proximité encore de la ligne. Cette situation permet à Stanisław de continuer son activité de coordination des passeurs (sous le pseudo de « coiffeur »), tout en travaillant comme bûcheron. Son fils aîné Stanisław est arrêté le 15 août 1942 lors d’une mission. Après l’invasion de la zone libre, le 11 novembre 1942, sa sécurité n’est plus assurée. Le 18 juin 1943, il est arrêté par la Gestapo de Chalon en même temps que son second fils Albin sur la commune voisine de Marigny (S&L), dans une coupe de bois sur laquelle ils travaillaient. Ils sont détenus à Chalon-sur-Saône, Autun où ils retrouvent le fils aîné, puis transférés à Dijon (1er juillet 43). De là, ils sont emmenés en région parisienne, à la prison du Cherche-Midi, puis au camp de Romainville.

 

          Le 26 septembre 1943, ils sont déportés vers le camp de Natzweiler-Struthof, dont ils subiront le terrible régime avant d’être transférés à Dachau, le 13 mars 1944, puis à Görlitz - voir Déportation, récit d'Albin Rychlik - . Fin mars 1945, à l’approche de l’armée soviétique, le camp est évacué ; commence une effroyable marche de la mort. Stanisław Rychlik y succombera ; il est porté disparu le 22 avril 1945. Ses deux fils seront rapatriés.

 

 

Rychlik Albin 45 jpeg - CopieSes fils Stanislaw et Albin, après la guerre

 

 

 

 

Sources       Archives des syndicats CGT et CFTC des mineurs de Montceau,

ANGDM registre d’embauche année 1922,

ADSL M1747,

SHD 16P528435

Entretiens avec Albin Rychlik (2008 à 2016)

 

 



04/07/2021
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