Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Stefan NOWAKOWSKI, avec ceux de la Machine

GS – Septembre 2021

 

 

 

Ceux de la MACHINE

 

Entretiens avec Stefan Nowakowski et Mme Jackowiak,

le 29 septembre 2009

 

_________

 

 

Septembre 2021, j'apprends seulement le décès de Stefan Nowakowski, mineur de la Machine (Nièvre), que j'avais rencontré en septembre 2009 et dont le récit n'avait jamais encore été publié sur RESPOL71.

 

Homme attachant et plein de finesse, il m'avait alors reçu chez lui et m'avait égrené ses souvenirs sur la petite colonie polonaise de la Machine avant la guerre, sur la mine partenaire des mines de Blanzy et de la sidérurgie du Creusot, sur la résistance POWN et son engagement en Italie. L'essentiel de son récit est retranscrit ci-dessous, en même temps que des éléments de la conversation avec Mme Jackowiak, veuve d'un autre résistant POWN, Tadeusz Jackowiak.

 

Stefan Nowakowski est décédé le 21 novembre 2019, fortement diminué par les séquelles de la silicose.

 

Lien vers le site  :  https://www.mairie-la-machine.fr/le-musee-de-la-mine

 

 

 

Résumé de son témoignage

 

Stefan N. est né le 26 août 1926 à Ostroróg près de Poznan. Son père travaillait en Allemagne, ce qui ne lui plaisait guère. Quand, au lendemain de l'Indépendance, la France a recruté des mineurs, il a décidé de partir et s'est retrouvé à la Machine, en 1926. Il est resté seul un an et a fait venir ensuite sa femme. Stefan avait alors 1 an.

 

 

La Machine avant guerre.

 

La mine appartenait alors au trust Schneider du Creusot. Il y avait quatre puits, dont un s'appelait Henri Paul.

 

Les Polonais constituaient une part importante de la main d'œuvre (au recensement de 1936, on comptait 1184 Polonais à la Machine, soit 21%  de la population) ; dans la rue du quartier des Minimes, où habite encore Stefan et qui a 68 numéros, il n'y avait que trois logements occupés par des Français, mais aussi quatre familles serbes et deux tchèques.

Dans la mine il y avait plus de Polonais que de Français… "Il ne faut pas être raciste - et je ne le suis pas ! – il y avait bien des Français, mais ils avaient un travail privilégié, un petit travail, il ne faut pas les bousculer… Il y avait des Polonais, des Serbes, des Tchèques, des Algériens et des Marocains… avant la guerre, oui…  avant la guerre…" (environ 150 marocains ou algériens sur les 4 puits).

 

La communauté polonaise était bien structurée dans ses associations :

  • Les Sokols, qui faisaient de la gymnastique et aussi de l'athlétisme et du football… Le stade des Sokols (nom actuel) sera mis en service pendant la guerre, en bas de la cité des Minimes.
  • L'association de la Sainte Barbe pour les hommes, dont le président était le père de Tadeusz JACKOWIAK – le drapeau est exposé au musée de la mine.
  • Les femmes du Rosaire, dont la présidente était la mère de Tadeusz JACKOWIAK – drapeau exposé aussi au musée.
  • Les Scouts, dont Stefan était membre ; il en fut président après la guerre.
  • Un groupe de théâtre, dirigé par M. BIELECKI.

 

Gymnastes de l'association "Sila" (la force), - années 20 ou 30

 

Le président du Comité des associations catholiques était M. POLAKOWSKI… qui jouera un rôle primordial dans le mouvement de résistance.

 

Ni Stefan, ni Mme Jackowiak, ne sont sûrs qu'il y ait eu un groupe des "Strzelce", mais Albin Rychlik (de Montceau) se souvenait que son père (le président régional) s'y rendait parfois à ce titre ; il y projeta ainsi un film de propagande intitulé "Młody Las" (jeune forêt).

 

Les associations étaient très liées à leurs équivalents de Montceau et du Creusot, avec qui il y avait de très fréquentes rencontres. Stefan, pour les seuls scouts, estime qu'il y avait une rencontre par mois !

 

Une vie communautaire intense existait alors. Mme Jackowiak évoque les repas champêtres de la "Majówka", fête de début mai qui englobe la fête du travail (1er mai) et la fête nationale (3 mai).

 

Les Polonais fréquentaient une école polonaise de la Mine (Polonais le matin, Français l'a-m).

 

Par contre, il n'y avait ni église, ni curé polonais. Un service en Polonais était assuré une fois par mois par un curé polonais de Montceau (dixit SN) ou du Creusot (dixit Mme J). Chaque année, la communion solennelle était pompeusement organisée.

 

 

La guerre

 

La Machine était en zone occupée, à bonne distance de la ligne de démarcation.

 

Dès l'arrivée des Allemands, les réseaux de contacts établis par les associations s'étaient transformés en filières pour conduire les soldats polonais restés en zone nord vers les points de passage en zone libre, puis de là, vers l'Angleterre…

 

Stefan se souvient de pilotes polonais, pour lui déserteurs de la Wehrmacht (mais peut-être aussi venus de l'aviation polonaise qui combattait en France en 40 ?), qui étaient hébergés dans la maison familiale, en général pour une ou deux nuits, un responsable les prenant ensuite en charge pour les emmener plus loin…

 

Un groupe de résistance POWN avait été créé en 1942, rattaché au chef régional Jan Kulpinski,  installé à Montceau-les-Mines. Voir carte de Tadeusz  Jackowiak :

 

 

La période de l'Occupation se passa ainsi, marquée par la quête du ravitaillement… et les dangers pour le ramener alors que le couvre-feu était rigoureusement imposé. Stefan raconte ainsi comment il a été arrêté un soir par une patrouille allemande, alors qu'il ramenait sa récolte. Ravitaillement saisi, nuit au poste, mais surtout poursuite de son travail au puits Henri-Paul sous contrôle de la Feldgendarmerie pendant un mois, avec au bout confiscation du salaire !

Dans cette affaire, un rôle nocif fut joué par un Polonais, interprète des Allemands,  Franciszek OSTROWSKI, dont la femme était institutrice polonaise…

 

Dès la Libération, dans les premiers jours de septembre 1944, deux officiers polonais sont venus pour prendre des engagements dans l'armée polonaise : le capitaine KIERWIARK et le lieutenant BATORY. Habillés en civils, ils avaient installé un bureau de recrutement au bâtiment 6 de la rue 4.

17 hommes de la Machine s'engagèrent alors, à partir du 16 septembre 1944…

Stefan se souvient des noms suivants (parmi les 17 engagés) : Leonard GATTNER (Sergent), Tomasz MATEUSIAK, Leon NOWAK, Leon DISKIEWICZ, Stefan NOWAKOWSKI, Feliks et Tadeusz JACKOWIAK, JAKUBOWICZ (né en 26, de parents russes), Czeslaw SZYMCIAK, Stanislaw LUCKOS, Czeslaw WOZNIAK (né en 1924), Tadeusz ZIEBA, Tadeusz ZIEMBA, Stefan SZYMANSKI, NOWICKI   (15 nom sur 17 !)

Ces gars reçurent un uniforme minimum, fait d'un blouson de cuir et d'un béret. Les insignes furent cousus par l'institutrice, Mme Stanislawa OSTROWSKA (voir ci-dessous photo faite à Dijon, avec Leon DISKIEWICZ).

A ce groupe furent joints quelques Polonais de la Wehrmacht, qui se trouvaient prisonniers à Issy-l'Evêque et que le maquis qui les détenait avait remis au groupe de l'armée polonaise en constitution….

Rapidement ils partirent cantonner à Decize, derrière une usine de céramique, où de nouveaux Polonais de la Wehrmacht vinrent se joindre à eux. Là, ils reçurent des armes, des fusils Mauser récupérés de l'armée allemande.

Le groupe se dirigea ensuite sur Dijon. Un événement en chemin, du côté de Luzy, où les Allemands firent sauter un pont à leur passage : un homme fut tué (un des extradés de la Wehrmacht) et Feliks JACKOWIAK fut blessé gravement à la face (œil). Il dut quitter le groupe.

De Dijon – ils logeaient dans une ferme – ils allèrent ensuite sur Belfort, d'où ils furent refoulés par les Américains.

Ce fut ensuite Lyon, où ils retrouvèrent de nombreux autres volontaires venus de Montceau, Saint-Etienne…, puis Marseille où ils furent véritablement engagés dans l'armée polonaise le 27 décembre 1944 et immédiatement embarqués pour rejoindre le IIème corps d'armée du général Anders à Naples. On les revêtit alors d'un uniforme anglais.

 

(Remarque : d'autres jeunes de la Machine avaient gagné Montceau et partirent de là pour Lyon et Marseille : exemple de l'aîné SZYMANSKI Marian).

 

Le groupe de la Machine se retrouva ainsi en Italie, où il participa aux derniers mois de la guerre , jusqu'à la conquête de Bologne.

 

Durant les combats, Stefan eut la douleur de perdre un copain de la Machine : Stanislaw LUCKOS, tué par une grenade allemande (date approximative : janvier/février 1945). Dans la même affaire, Czesław CZYMCIAK fut gravement blessé et fut transporté en Angleterre. Il allait s'y marier et y faire sa vie…

 

Après cela, Stefan entra dans une école de sous-officiers à San Benedetto (dirigée par le général Nikodem SULIK - sa biographie), qui se tenait dans les locaux d'une école de la marine italienne ; la formation dura plusieurs mois et il en sortit après la fin des hostilités (8 mai 45). Par un concours de circonstances, il put regagner la France assez rapidement (25 mars 1946) et ne gagna pas l'Angleterre vers laquelle la plupart des soldats de l'armée Anders allaient être dirigés…

 

Son père allait mourir à la mine en 1950, le thorax écrasé par un bloc de charbon détaché lors d'un creusement de boyau…

 

 

Voir récit parallèle et photos d'un Polonais de Montceau en Italie : Czeslaw Tomkowiak

 

 

Quelques photos de l'album de Stefan Nowakowski.

 

 

Stefan NOWAKOWSKI et Leon DISKIEWICZ, à leur engagement - Decize / La Machine / Dijon, septembre 1944.

Stefan NOWAKOWSKI et Leon DISKIEWICZ, à leur engagement - Decize / La Machine / Dijon, septembre 1944.

Les mêmes, plus tard en Italie, sous uniforme anglais.

Les mêmes, plus tard en Italie, sous uniforme anglais.

Stefan N  (marque rouge)

Stefan N (marque rouge)

Plusieurs photos de groupe en Italie, sans indication d'unité ni de lieu.

Plusieurs photos de groupe en Italie, sans indication d'unité ni de lieu.

Au centre de formation de sous-officiers de San  Benedetto, commandé par le général Nkodem SULIK  (avec sa femme, sa fille - lieutenant à D - et un délégué du gouvernement de Londres).

Au centre de formation de sous-officiers de San Benedetto, commandé par le général Nkodem SULIK (avec sa femme, sa fille - lieutenant à D - et un délégué du gouvernement de Londres).

Les généraux Nikodem SULIK et Wladyslaw ANDERS passent en revue les élèves sous-officiers du centre de San-Benedetto.

Les généraux Nikodem SULIK et Wladyslaw ANDERS passent en revue les élèves sous-officiers du centre de San-Benedetto.

San Benedetto, le banquet final

San Benedetto, le banquet final



25/09/2021
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