MAQUISARDS RUSSES - Article sur le site Communisme et Conflits
http://communismeetconflits.over-blog.com/2016/07/resistants-sovietiques-en-bourgogne.html
25 juillet 2016
Gérard Soufflet, Maquisards russes en Bourgogne. Histoire du détachement Léningrad, 1943-1944, Éditions de l’Armançon, 2016.
La participation de Soviétiques à la Résistance en France est encore un sujet mal connu qui, à notre connaissance, n’a pas encore été l’objet d’une étude systématique. L’ouvrage de Gérard Soufflet représente de ce point de vue une avancée historiographique en retraçant le destin d’un groupe de maquisards russes entre la Saône et Loire, la Nièvre et la Côte d’Or de 1943 à 1944.
Ces maquisards sont pour la plupart d’anciens soldats de l’Armée rouge fait prisonniers par la Wehrmacht sur le front de l’Est et envoyé en France, principalement dans les bassins miniers du Nord et de Lorraine, pour servir de main-d’œuvre. Parmi ces groupes de prisonniers des organisations de résistance voient le jour et des évasions ont lieu. Il revient à la MOI, la structure du PCF chargée d’encadrer les étrangers, de prendre en charge et d’organiser ces évadés soviétiques.
Dés l’été 1943, la MOI envoie des Soviétiques dans la région de Montceau-les-Mines où existe un groupe de FTP polonais assez actif. En octobre 1943, suite à des arrestations, les Soviétiques accompagnés de certains Polonais forment un maquis au nord de Chalon-sur-Saône. Ce maquis soviéto-polonais, qui maintient des contacts permanents avec la direction de la MOI à Paris par le biais d’agents de liaison, rayonne sur la région jusqu’en mars 1944. La coexistence en son sein est difficile, les Russes se montrent parfois brutaux avec les civils et n’hésitent pas à se livrer à des actes de banditisme provoquant le mécontentement des Polonais. Un jeune Polonais est même abattu par un camarade soviétique pour avoir trop protesté contre les brutalités russes.
Finalement, en mars 1944, les Polonais quittent le maquis Léningrad tandis que les Soviétiques rejoignent le sud de la Nièvre. En réalité, ils combattent encore quelques mois cote à cote en tant que troupes de choc du maquis FTPF Valmy et participent à de nombreux combats entre la Nièvre et la Saône et Loire. La séparation a définitivement lieu en août 1944. Les Polonais forment des unités qui sont conçues comme les noyaux de la future armée de la Pologne libérée. Les Soviétiques quant à eux rejoignent la Côte d’Or et intègrent le maquis Maxime Gorki qui regroupe des combattants étrangers. Ils participent alors aux attaques contre les colonnes allemandes en retraite ainsi qu’à la libération de Châtillon-sur-Seine, quelques jours avant que les troupes alliées venant de Normandie et de Provence ne fassent leur jonction à quelques kilomètres de là, le 12 septembre 1944.
L’auteur s’appuie sur un riche corpus archivistique, aussi bien des témoignages, parfois inédits, que les fonds des archives départementales, du service historique de la Défense ou de l’Institut de la mémoire nationale à Varsovie pour retracer ce morceau de l’histoire de la Résistance étrangère en France. Surtout il démontre que l’étude locale de la Résistance permet tout à la fois d’ébranler certains mythes et d’éclairer des lignes politiques élaborées au niveau national voire international. Pour ce qui est des mythes, le livre de Gérard Soufflet montre que le maquis soviétique a bénéficié au moins une fois d’un armement provenant d’un parachutage britannique contredisant la vulgate d’une résistance communiste défavorisée par Londres. Il écorne d’autres légendes en mettant en lumière les dérives vers le banditisme, les tensions entre les différentes nationalités, les méprises tragiques lors d’embuscades.
Les tribulations des maquisards soviétiques en Bourgogne mettent aussi en lumière la place particulière de la MOI dans le dispositif communiste en tant que courroies de transmission de la politique soviétique en France. C’est sur son ordre que les maquisards soviétiques se séparent de leurs camarades polonais qui en prévision de l’après-guerre sont destinés à rentrer en Pologne former l’armature du nouveau pouvoir communiste. A ce moment, les Soviétiques, plutôt que de rejoindre les FTPF, se regroupent pour se placer sous les ordres des résistants gaullistes. Pour l’auteur cette décision, qui prive la résistance communiste de l’appui de combattants expérimentés, montre que dès l’été 1944 Staline a abandonné l’idée d’une prise de pouvoir par les communistes français.
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