Résistance polonaise en Saône-et-Loire

30 mars 2020

Bagarreur récidiviste,

il est expulsé de France en mai 1922

Andrzej Majchrzak (orthographe la plus plausible de son nom) appartenait au premier groupe compact de Polonais embauchés par les mines de Blanzy, le 19 novembre 1919, quelques jours après la signature de la convention franco-polonaise du 3 septembre 1919. Portant le n° matricule 21380, il est le 16ème inscrit sur le registre, derrière Antoine Kempa, matricule 21365. Il est immédiatement employé au puits des Alouettes

(Se reporter à l'article ici ou au catalogue de l'exposition du centenaire là ).

Il était né le 21 novembre 1898 dans une zone montagneuse de Galicie (alors au sein de l'empire autrichien), dans la commune de Splawa, près de Przemysl, à l'extrême sud-est de l'actuelle Pologne.

Un mince dossier à son nom se retrouve aujord'hui dans les fichiers individuels de police conservés sous la cote M4461 aux archives départementales de Mâcon.

Sa notice personnelle indique qu'il demeure à la Tuilerie-Saint-Pierre, en bas du Bois-du-Verne ; elle le décrit comme un costaud, de très forte corpulence, de haute taille (1m74), blond, aux yeux bleus "rayonnant'" dans un visage ovale. Seul signe distinctif : il est amputé de l'auriculaire de la main droite. Quant à son passé, il est ainsi résumé :

 "Majcrak (sic) soldat allemand déclare avoir été fait prisonnier par les Anglais à Ypres, en août 1917, et interné dans le camp de prisonniers d'Abbeville. De par sa classe il doit appartenir à la réserve de l'armée active polonaise mais ne possède aucune pièce de l'autorité militaire polonaise.

Il appartient à la population flottante..." 

Remarque importante : la qualification de soldat allemand n'a rien de bien étonnant, car né en Galicie, AM a été mobilisé dans l'armée autrichienne. Notons par contre que le trajet qui l'a conduit à Montceau est le même que celui de Franciszek Staniewski, l'autre "premier ambauché" dont le fils nous a contactés récemment (voir ici) : capturé par les Anglais, retenu au camp de prisonniers d'Abbeville, c'est à sa libération qu'il vient travailler à Montceau.

Se pose dès lors une vraie question d'historien : les embauchés du 1er groupe du 19 novembre 1919 étaient-ils, tous ou en partie, des prisonniers de l'armée allemande affectés là à leur libération, plutôt que des volontaires bénéficiaires de la convention d'émigration, comme on le croyait jusque là ?      Sujet à creuser rapidement !

La notice de police de notre homme est rédigée le 8 novembre 1920 car ce jour là, il a été surpris dans une bagarre qui aurait pu lui valoir la qualification de coups et blessures volontaires. L'affaire ne va alors pas plus loin car le commissaire constate qu'il n'a fait jusque là l'objet d'aucune observation, ni remarque  défavorable.

Pourtant à deux reprises il va encore se signaler et être désormais déféré devant la justice :

• Le 8 novemmbre 1921, le TSP (Tribunal de simple police) de Montceau lui inflige une amende de 5 Fr pour ivresse publique et manifeste.
• Le 4 avril 1922, le même TSP le condamné à nouveau à 5 Fr d'amende pour bris d'objets mobiliers, 1 Fr pour violence légère, 5 Fr et 2 jours de prison pour ivresse et récidive.

Un procès verbal précise ce qui s'est passé ce jour là :

    Georges Carpentier

    devenu champion du monde mi-lourd,

    le 12 octobre 1920

    en terrassant par KO

    l'Américain Battling Levinsky

Et le 17 mai 1922, le commissaire de police de Montceau avise de sous-préfet de l'application de sa décision d'expulser le pauvre mineur polonais qui se prenait pour Georges Carpentier.... On notera l'étrange bonhommie du dispositif alors utilisé.

Qu'est devenu Andrzej Majchrzak ?   Une famille portant ce nom est venu plus tard s'installer à Montceau. Peut-être ses descendants pourront-ils nous dire si cet Andrzej leur est connu...