Les mineurs polonais et le syndicalisme
L'immigration polonaise est porteuse de légendes tenaces ; la plus ancrée, au moins dans la population française, a longtemps vu les Polonais comme une masse dure au travail, encadrée dans des quartiers-ghettos par ses prêtres et ses instituteurs, marquée collectivement d'une religiosité qui ne pouvait engendrer qu'un esprit de soumission à l'ordre établi.
La participation massive aux organisations de la Résistance suffirait à briser cette image ; par cette page, respol71 se propose de montrer que cela ne devait rien au hasard et que déjà le mineur polonais d'avant-guerre n'avait rien d'un ouvrier soumis...
Cette page a été remarquée en Pologne par un militant du vieux parti historique PPS (parti socialiste polonais), qui en a mis en ligne une traduction - VOIR ICI... Merci Jakub
Les Polonais dans la CGT
Les deux dirigeants des sections polonaises
du syndicat des mineurs CGT de Montceau, avant la guerre
Pawel KUBICA (1899-?) et Edward LABEDZ (1890-1953)
Dès l'arrivée des premiers contingents de Polonais en 1919 et 1920, le syndicat des mineurs de Montceau amorça le dialogue grâce à des interprètes, afin que les nouveaux embauchés ne contribuent pas à casser un vaste mouvement de grève en préparation, qui allait éclater en mai 1920. Les adhésions furent nombreuses, encrant dans la durée un pôle polonais au sein du syndicat CGT des mineurs.
Les Polonais syndiqués allaient se retrouver pour la plupart à la CGT dite confédérale, alors que se créait en 1921 une petite CGTU communiste (U pour "unitaire"). Beaucoup de ces ouvriers arrivaient de Westphalie, où le syndicalisme était institutionnellement bien implanté, et la pratique réformatrice de la CGT montcellienne n'avait rien pour les rebuter. Nombre d'entre eux militaient par ailleurs au P.P.S, le parti socialiste polonais, qui avait été le parti de Jozef Pilsudski.
Marius Mathus, secrétaire du syndicat des mineurs CGT,
avec les responsables du district polonais de Montceau,
le 13 janvier 1935 (archives privées)
A l'époque, le syndicat était organisé sur une base géographique, par sections de quartier, et les Polonais étaient souvent si nombreux à côté des Français qu'il apparut plus commode - en particulier pour les problèmes de langue - de fonder des sections polonaises de quartier. La plupart se dotèrent d'une bannière, qu'on arborait dans les défilés.
Ces bannières, longtemps conservées par le syndicat des mineurs, ont été confiées récemment à l'Académie François Bourdon au Creusot. Ce sont d'émouvants témoins de l'engagement des anciens.
Cliquer sur chaque bannière pour l'agrandir
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(Source - le syndicat des mineurs CGT de Montceau)
Après le Front populaire
1936 va être l'année d'une double évolution ; le gigantesque mouvement social aboutit à la réunification de la CGT et de la CGTU. Cela se traduit par une répartition des responsabilités et c'est désormais un communiste, Kazimierz Siuciak, qui va être secrétaire de la section polonaise de Montceau-Centre.
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1936 est aussi l'année où la CFTC s'implante chez les mineurs de Montceau ; un fort contingent de Polonais va la rejoindre, par adhésion à son positionnement lié au christianisme social, ou bien par hostilité à l'entrée des communistes dans le syndicat. Stanislaw Rychlik - voir sa bio -, le populaire président du comité de coordination des associations polonaises, qui était membre de la CGT depuis 1924, va suivre cette voie, entraînant derrière lui nombre de Polonais de la Saule.
< archives CFTC |
1939, la guerre - la question polonaise au cœur du positionnement syndical
On sait que la signature du pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, entraîna la dissolution du parti communiste et des organisations rattachées ; à l'intérieur de la CGT réunifiée, les militants du parti qui refusèrent de se désolidariser de cette politique soviétique d'alliance avec Hitler, au moment où la France et l'Angleterre entraient en guerre, furent exclus et privés de leurs mandats...
Autant que le pacte lui-même, le sort qui en résulta pour la Pologne, immédiatement attaquée puis dépecée par les deux nouveaux alliés, suscita une émotion particulière au syndicat des mineurs. Nous reproduisons ci-dessous la résolution qui fut adoptée à Montceau...
Le ton visionnaire et les arguments n'ont rien d'extraordinaire aujourd'hui, alors que l'Union soviétique n'existe plus et que les tourments de son histoire ne sont plus niés par personne ; Marius Mathus allait poursuivre par un article retentissant dans le numéro de décembre 1939 du journal syndical "La Tribune", où il côtoyait un article patriotique du militant polonais Marius Jacek.
Il faut comprendre combien à l'époque, les cadres communistes - eux-mêmes désormais réprimés par la police - percevaient comme insupportable ce langage radical qui établissait un parallèle entre Hitler et Staline. Une haine durable était en place ; sans doute leur décision d'assassiner Marius Mathus en 1943 doit-elle un peu à cette défense intransigeante qu'il faisait de la Pologne agressée en 1939...
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