Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

29 juin 1943 - Une polonaise de St-Bérain guillotinée à la prison de Chalon

5 janvier 2020

 

 

 

Czeslawa BILICKA, née SINSKA, n'avait rien à voir avec la Résistance et son affaire relève du droit commun. Elle fut couverte par la presse nationale :

 

 

En page 3, figure l'information communiquée par le correspondant du Creusot, le 2 juin 1941 :

 

 

 

 

 

 

Le couple Bilicki et ses deux enfants occupaient une petite locaterie au lieu-dit "les Vernes", un coin perdu de la commune de St-Bérain, à proximité du château de la Coudraye.

 

C'est le 14 avril 1941, le lundi de Pâques, que le crime avait été commis ; à la découverte du corps mutilé, le 25 mai, les gendarmes arrêtèrent l'épouse Czeslawa Bilicka, née le 30 décembre 1908 à Raczens (Pologne), et son jeune amant, Wladyslaw Nowacki, né le 27 juin 1915 à Skalmiez (P), alors mineur à Montceau. Les aveux recueillis alors correspondaient au récit du journal.

 

On verra qu'ils devaient varier par la suite, en particulier quant aux rôles respectifs de Nowacki, mais aussi de l'un des enfants du couple.

 

 

 

 

 

 

 

Le procès se déroula devant la Cour d'Assises de Chalon-sur Saône, en deux audiences. La première, tenue en janvier 1942, ordonnait un supplément d'information tant l'instruction avait été peu précise et se heurtait à certaines contradictions amenées par le témoignage des enfants et par les dires du médecin légiste.

 

Qu'on en juge...

 

Le libellé de l'ordonnance de renvoi, en date du 14 janvier 1942 (in ADSL, ), détaille en effet :

 

"...   Attendu qu'après avoir d'abord avoué aux policiers, le 25 mai 1941, avoir tué seule son mari BILICKI François, la femme BILICKA avait ensuite, apprenant les aveux passés devant les enquêteurs par le nommé NOWACKI Wladyslaw, déclaré que celui-ci, arrivé à la ferme vers 22h00, après avoir assommé BILICKI  et après l'avoir contrainte à le frapper de son côté à coups de haches sur la tête, afin qu'elle ne puisse ultérieurement lui imputer la responsabilité exclusive du crime, avait lui-même tranché à coups de rasoir la gorge de la victime ; qu'ils avaient ensuite tous deux, à l'entendre, creusé dans la nuit, dans le jardin de la ferme, une fosse dans laquelle ils avaient enfoui le cadavre, dont ils avaient préalablement, à l'aide d'une scie, sectionné les deux jambes ;

      Attendu que la femme BILICKI avait au cours de l'information mais en tentant d'atténuer progressivement sa responsabilité personnelle et en chargeant de plus en plus NOWACKI, maintenu sa 2ème version au cours de ses interrogatoires des 29 mai, 6 et 20 juin, 18 et 29 juillet 1941 ;

     Attendu que les enfants BILICKI, Czeslaw et Marie, qui dans l'ensemble (et à part une contradiction en date du 19 juin, rétractée dès le lendemain au cours d'une confrontation avec leur mère) confirmèrent les dires de l'accusée, sur ses instructions formelles ont-ils déclaré par la suite, l'ont, le 29 octobre 1941, accusée d'avoir tué seule leur père ; que la femme BILICKI a alors reconnu avoir tué seule son mari, qu'elle avait préalablement et solidement ligoté sur le lit où il dormait pris de boisson ; qu'elle a précisé avoir sectionné avec une hachette seulement, transporté et enfoui le cadavre sans autre aide que l'assistance momentanée de son fils Czeslaw ; que, lors de la reconstitution du crime, le 31 octobre 1941, l'accusée et ses enfants ont confirmé leurs allégations en reconstituant ou en mimant avec un sensemble de précisions concordantes les péripéties du crime et des faits qui l'ont accompagné ou suivi.

     Attendu que, nonobstant les déclarations du médecin légiste affirmant qu'elle n'avait pu seule ligoter ainsi, ni trancher la gorge ou sectionner avec une seule hachette les membres inférieurs de la victime, dont les tissus, chairs et os n'avaient pu, d'après le praticien, être tranchés aussi nettement qu'à l'aide d'un rasoir ou d'un couteau et d'une scie, l'accusée n'en a pas moins persisté, au cours de la confrontation du 27 novembre 1941, a affirmer avoir opéré seule et sans recours à d'autres instruments que la hachette."

 

Mais l'accusée allait revenir sur ces aveux en cours d'audience, incriminant à nouveau Nowacki ; son avocat, utilisant habilement le rapport du médecin légiste, mettant en outre en doute l'alibi que présentait NOWACKI et soulignant les hésitations de ce dernier, allait demander et obtenir un renvoi de l'affaire pour supplément d'informations.

  

La seconde audience allait se tenir en octobre 1942 et opter pour la pleine responsabilité de l'accusée ; l'arrêt prononcé le 28 octobre 1942 se terminait ainsi :

 

"... LA COUR et LE JURY,

Après en avoir délibéré, etc... déclarent SINSKA Czeslawa, femme BILICKA, atteinte et convaincue du crime d'assassinat, la condamnent à la peine de mort et ordonnent qu'elle aura la tête tranchée.

Ordonne que l'exécution se fera dans l'enceinte de la Maison de Justice de Chalon-sur-Saône..."

 

Le 13 janvier 1943, son pourvoi en cassation était rejeté et le mardi 29 juin 1943, à 4h50 du matin, elle était exécutée.

 

 

 

 

 

Le sort de Wladyslaw Nowacki, innocenté par la justice mais abattu par les FTP

 

 

L'amant de Czeslawa Bilicka avait été totalement disculpé par le complément d'enquête et avait bénéficié d'un non-lieu de la Cour d'Assises de Chalon.

 

Si la justice de l'état français s'était pour lui montrée clémente, ou avait simplement reconnu son innocence, il était alors une autre justice, celle des maquis, qui ne s'embarassait pas de procédures et qui, elle, l'avait condamné à mort.

 

Après avoir quitté quelque temps la région, Nowacki était revenu dans l'été 1944 et gagnait sa vie en faisant queques travaux de jardinage chez des particuliers.  C'est ainsi que le 31 juillet 1944, vers 23h30, alors qu'il venait d'aider son compatriote Stanislas Wojtczak à battre du blé, à son domicile du 10 rue Marcel Dulac aux Alouettes, six individus inconnus se sont présentés dans la cour et l'ont abattu à coups de mitraillettes et de révolvers. Il mourut d'une balle de mitraillette à la gorge et d'une balle de révolver à la nuque. On ne sait si cette exécution fut alors revendiquée.

 

On sait aujourd'hui qu'elle avait été commise par des hommes du maquis FTPF  "Morin" qui avait son cantonnement sur la commune de Saint-Bérain-sous-Sanvignes, tout simplement car le geste est revendiqué dans les souvenirs écrits de l'adjoint au chef de compagnie, Marcel Lamotte dit "l'Etudiant". Notons que cette exécution a eu lieu le 31 juillet 1944, le lendemain-même de celle de Robert Simon et Stanislas Dziubek, commise par les mêmes hommes. (revoir les détails de cet assassinat ICI )

 

Insondable réflexion sur ces "justiciers" de l'été 1944...

 

 

 

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Sources :   ADSL 1W1259, 1545W2,  et 2547W7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



03/01/2020
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