Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Julien NOWAK, légionnaire, maquisard et milicien...

26 septembre 2017

 

Quelques lecteurs de respol71 sont devenus des amis ; il en est même une qui, passionnée d'histoire, s'est mise à travailler avec moi sur divers dossiers. Nathalie Roux-Nowak, de Chalon-sur-Saône, se trouve être la petite-nièce par alliance de Julien Nowak, un officier du bataillon Mickiewicz. Je vous propose ci-dessous l'article qu'elle vient d'achever en s'appuyant sur la mémoire familiale et sur les documents d'archives rassemblés ensemble.

Merci Nathalie…

 

 

BIOGRAPHIE DE JULIEN NOWAK

 

 

 - Caporal au Maroc, lieutenant au maquis, commandant dans la Milice polonaise - 

 

 

Tribulations d'un mineur polonais

 Julien NOWAK est né le 13 février 1913 à Utfort en Allemagne. Il est le septième enfant d’une fratrie de huit. Comme de nombreux polonais, ses parents Jozef et Juliana (née Leznik), étaient venus en Allemagne pour travailler dans les mines de Westphalie.

Après le traité de Versailles, toute la famille, refusant de devenir allemande, retourne en Pologne nouvellement indépendante pour que les enfants y prennent la nationalité polonaise.

Ils s’installent à Leszno, à la villa Antonina. Ils sont employés comme cultivateurs dans ce domaine agricole, mais leur activité ne permet pas de subvenir aux besoins de la famille. Les Nowak se retrouvent obligés de reprendre la route de l’exil. Si l'on en croit ce que Julien mentionnera plus tard dans une biographie destinée aux autorités de la Pologne communiste, il y aurait aussi eu une motivation politique à ce départ, son père étant convaincu d'avoir organisé des grèves…

C'est ainsi qu'ils arrivent en France, dans le bassin minier de Montceau- les-Mines, le 20 juin 1926 ; ils sont d'abord logés dans une cantine, rue de Soissons, dans le quartier du Bois-du-Verne. Tous les hommes de la famille en âge de travailler sont employés par les houillères de Blanzy et envoyés au puits Saint Louis. Julien fait son entrée à la mine le 1er juillet 1926.

En 1932, le père (né en 1877) se trouve mis en retraite et reprend le travail agricole loin de Montceau, dans la petite commune de Millac (département de la Vienne) où il loue une fermette. Julien décide de quitter la mine et les accompagne…

La vie de paysan ne lui convenant sans doute guère, il décide de s'engager pour cinq ans dans la Légion étrangère. En juillet 1934, il revient en Saône-et-Loire où il loge quelque temps chez une sœur et va signer son engagement à Dijon, le 4 août 1934. Il fait partie du 4ème Régiment étranger et passera une première année à Bel-Abbès en Algérie puis les années suivantes  au Maroc  où il sera nommé caporal, le 30 janvier 1937.

 

- Maroc, Ouarzazate... -

 

 

A la fin de son contrat, le 4 août 1939, il vient s'installer à Blanzy où réside maintenant sa sœur.  Il réintègre la mine et y restera jusqu’au 13 novembre 1939, date de sa mobilisation dans l’armée polonaise en cours de reconstitution en France par le général Sikorski.

Lors d’une permission, le 10 janvier 1940, il épouse Delphine BRAIDOTTI, fille d'une famille immigrée italienne du camp Saint-Louis. De cette union naîtront deux enfants Robert (1941) et René (1942).

Affecté à la 2è Division de chasseurs qui se réfugiera en Suisse le, le 20 juin 1940, et y restera internée, il s'évade fin novembre et regagne Montceau où il retrouve son travail à la mine.

 

 

 - La vie de famille, 1943 - 

 

 

Au maquis

Julien n’est pas un résistant de la première heure ; à l'instar de beaucoup de mineurs, c'est sans doute après le Débarquement qu'il rejoint un groupe français du maquis FTP Valmy (le groupe "Rondot"). D'après les récits familiaux, il aurait participé à la bataille d’Uchon avec son frère Joseph, les 15 et 16 juin 1944. Revenu à son domicile après la dispersion qui a suivi (il reste aux effectifs de la mine jusqu'en juillet), il retournera au maquis dans la première quinzaine de juillet et sera naturellement affecté au bataillon polonais en cours d'organisation par Mieczyslaw Bargiel (commandant) et Théodore Plonka (capitaine, chef militaire). Le passé de Julien Nowak à la Légion, ses aptitudes militaires et physiques, en font une recrue de choix… Or le maquis polonais est alors regroupé avec un détachement d'évadés soviétiques, sous la supervision d'un responsable national des FTP-MOI, Boleslaw Maslankiewicz. Les effectifs (une centaine d'hommes début juillet, plus de trois cents à la Libération) sont répartis sur un large périmètre géographique. Averti par des débordements récents, le commandement a décidé d'interdire les réquisitions à ces groupes et de centraliser le ravitaillement (argent, vivres, tabac…) en une unité spéciale dont on lui confie le commandement, voyant en lui l'homme à poigne qui saura contenir les dérives. Il adopte alors le nom de guerre de "SUR" (sûr ?) et reçoit le grade de lieutenant. Fin juillet les groupes dispersés seront rassemblés et le bataillon polonais, devenu le bataillon "Mickiewicz", trouvera sa structure définitive, en deux puis trois compagnies, un détachement soviétique et le groupe de ravitaillement de "Sûr".

 

Quelques réquisitions du groupe de ravitaillement, repérées dans les archives :

Dans un compte-rendu d'enquête de la gendarmerie, en date du 13 février 1946, menée suite à des plaintes, on suit une expédition automobile au cours de laquelle l'équipe du lieutenant SUR (Julien) s'est illustrée. Parti le 27 juillet 1944 de Charmoy en direction d'Epinac (nord de la Saône et Loire), le groupe allait d'abord rejoindre un mystérieux groupe "Robespierre" à Antully et, ensemble, réaliser les coups suivants :

Le 29 juillet, attaque de la mairie et de la poste d'Epinac, hold-up à la boucherie locale,

Rançonnement de plusieurs personnes accusées de marché noir, dont les nommés Bornesssoule et Terreau à Antully, les frères Razé à Uchey, commmune de Viévy, voisine d'Epinac mais située en Côte d'Or.

Au retour le 1er août, le butin total remis à la caisse du bataillon polonais ce serait élevé à 400.000F.

L’enquête nous informera que Julien NOWAK est également chargé de tenir la comptabilité du maquis, laquelle ne sera jamais retrouvée.

D'autres coups réalisés par le groupe ont été rapportés à son fils par le dernier survivant, Joseph Zarebski "Nénesse", qui gardait avec humour le souvenir d'avoir attaqué à deux reprises la perception de Montceau-les-Mines.

Signalons que deux hommes du groupe de ravitaillement, Edmond Rybarczyk et Stefan Makalski, allaient être tués lors d'un accrochage avec une patrouille allemande alors qu'ils se rendaient en opération à Blanzy, le 14 juillet 1944.

En marge de ces actions, Julien commandera avec Théodore Plonka une opération risquée de commando à la tête du détachement soviétique (accrochage d'Etang-sur-Arroux, le 10 août 1944).

 

De l'armée de Lattre à la Pologne communiste

Plusieurs mois après la Libération de Montceau-les-Mines ( 6 septembre 1944), Julien Nowak prendra début février 1945 le commandement du bataillon Mickiewicz, lorsque celui sera intégré dans la 1ère Armée française ; le bataillon est devenu la 5ème compagnie du 19ème Groupe d'infanterie polonaise (GIP), rattaché au 201è régiment de pionniers nord-africains au sein de l'armée du général DE LATTRE DE TASSIGNY. Julien Nowak doit sa nomination à Boleslaw Maslankiewicz qui a été placé à la tête du 19è GIP.

Les conditions de vie de ces troupes chargées de la logistique de la 1ère Armée étaient déplorables (manque de nourriture, de vêtement et de soins).  Julien écrira plusieurs rapports à ce sujet qui n’auront aucun effet (voir en pièce jointe).

 

- En occupation à Villingen, en août 1945 - 

 

 

 

- Même période (été 1945), en mission de recrutement et permission dans le bassin montcellien -

 Réunion des anciens FTP-MOI polonais au café des alliés, quartier des Essarts

 

Après quelques mois d'occupation en Allemagne (Forêt Noire), le 19è GIP et son unité jumelle le 29è GIP, seront démobilisés à Varsovie en novembre 1945, seules troupes polonaises ayant combattu à l'ouest se trouvant dans ce cas.

Le 18 novembre 1945, Julien NOWAK fit ainsi son entrée en héros à Varsovie à la tête de sa compagnie.

Le 4 décembre 1945, il est recruté pour intégrer la Milice citoyenne (MO), qui participe directement alors aux opérations répressives qui vont imposer le régime communiste à la société polonaise. Bénéficiant toujours de la protection de Maslankiewicz, devenu haut responsable du service de contre-espionnage de la Milice, il est lieutenant de ce service, "en charge des tâches spéciales".

Le 22 décembre 1946, il est muté à Wroclaw avec pour première mission de participer aux "actions d'avant les élections", puis il devient chef de la section autonome du commandement de MO (la milice citoyenne) pour la voïvodie de Wroclaw, avec le grade de commandant.

Atteint de tuberculose, il mourra à l'hôpital de Wroclaw, le 6 mai 1949.

 

 Epilogue, la famille

 Julien Nowak a fait venir son épouse italienne et ses enfants en Pologne en 1946 ; après sa mort, ceux-ci se retrouvèrent piégés dans une Pologne communiste qui leur restait étrangère. Ils mettront douze ans à trouver un moyen d'en sortir pour revenir en France.

Lors de son entretien pour intégrer la milice, il explique que sa nombreuse famille si longtemps soudée a fini à la fin de la guerre par éclater pour des différends politiques : certains sont restés en France, d’autres sont retournés en Pologne et ses parents sont devenus des citoyens allemands.

Soixante-douze ans plus tard, les membres de la famille NOWAK n’ont jamais cherché à renouer des liens.

Suite à ces recherches, mon beau-père, un neveu de Julien (fils de son frère Joseph), a découvert qu’il avait sept oncles et tantes, dont son père ne lui avait jamais parlé !

 

 

Nathalie Roux-Nowak

 

 

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Sources :

Archives de la Légion étrangère,

Archines de l'ANGDM (Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs),

Archives de la justice militaire (le Blanc),

Institut de la mémoire nationale IPN (Varsovie),

Archives nationales polonaises,

Archives familiales.

 

 

Des documents à consulter :

 

Un rapport sur l'activité de la 5ème compagnie du 19ème GIP, envoyé par Julien Nowak au journal polonais en France "Niepodleglosc" (été 1945) .

https://www.respol71.com/19e-gip-rapport-de-la-5eme-compagnie

 

Un article de Boleslaw Maslankiewicz interviewé après le retour des GIP en Pologne par le journal de l'armée polonais ( "Polska Zbrojna", du 25 novembre 1945), dans lequel il consacre quelques lignes à Julien Nowak.

https://www.respol71.com/maslankiewicz-interview-1945

 

Le contexte de la formation et du retour des GIP en Pologne, à partir de l'article

https://www.respol71.com/l-integration-laborieuse-des-ftp-polonais-dans-larmee-francaise

 



26/09/2017
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