Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

15 juillet 1944 - L'assassinat de l'ingénieur Olivier

GS - janvier 2021

 

Visez haut ! ...

 

 

 

 

 

Eté 1944, l'été de la Libération fut aussi celui d'une sale guerre, comme le sont les guerres civiles. On vit alors se multiplier meurtres et attentats dans le bassin minier de Montceau.

Le 15 juillet, on enregistrera cinq assassinats sur le territoire de la commune de Montceau-les-Mines : au quartier du Bois-Roulot celui de Joseph Dumas, ancien policier (secrétaire-chef) au commissariat de la ville, et ceux des sœurs Françoise et Pelagia Szczepaniak, employées à la Kommandantur - voir ICI - ; rue des Oiseaux au centre de la ville, celui de Marie-Louise Chapuis, née Perrot ; enfin à Darcy, celui d'André Olivier, l'ingénieur divisionnaire. Si les quatre premiers étaient gens du peuple et ne suscitèrent de commentaires que dans leur entourage, André Olivier appartenait à l'élite locale puisque membre de rang élevé de l'état-major des houillères. Dirigeant du site le plus moderne et le plus vaste de la Mine, il exerçait son pouvoir sur près de 1500 salariés, et était connu pour sa grande sévérité.

L'annonce de son assassinat eut un grand retentissement et acheva de traumatiser tout l'encadrement de l'entreprise, déjà fortement secoué en janvier par celui de l'ingénieur Bousquet. Seulement Olivier avait une toute autre envergure ; rien ne filtra de l'enquête de police, ni des milieux résistants qui auraient pu revendiquer l'exécution. Aucune enquête ne fut diligentée après la Libération, ni par les Houillères, ni par sa veuve… Comme ce fut le cas pour l'assassinat des secrétaires du syndicat des mineurs, Mathus et Tissier, celui de l'ingénieur divisionnaire allait rester un sujet tabou à Montceau-les-Mines, jamais approfondi jusqu'à ce jour.

Les recherches multiples que je mène depuis dix ans sur la période de l'occupation ne pouvaient éviter d'apporter maints indices sur l'affaire, documents ou témoignages. A défaut de résoudre définitivement ce qui s'apparenta peu à peu à une enquête, je pense être arrivé à un point où les éléments rassemblés doivent être mis à disposition de tous, déjà pour aider à comprendre cette période qui nous est devenue si lointaine, peut-être aussi avec l'espoir que certains réagiront et pourront apporter d'autres pièces au puzzle.

 

Beaucoup des éléments mentionnés dans cet article se trouvent explicités ou contextualisés dans d'autres articles de ce blog et dans les pages du livre "les Téméraires, une histoire neuve de la Résistance, cités et maquis à Montceau-les-Mines avant mai 1944".

 

 

Témoignages familiaux

 

C'est après avoir découvert ce blog que la petite fille d'André Olivier, Lucie M., est entrée en contact avec moi en mai 2013 puis m'a permis de faire la connaissance de deux de ses tantes, les filles ainées de l'ingénieur divisionnaire, Marie-Claire et Michelle. Outre l'immense intérêt de ces rencontres pour croiser ce que nous savions sur le meurtre, je découvris avec plaisir des personnes vives, ouvertes et sympathiques, marquées par ces évènements mais aussi empruntes d'une grande distance critique vis-à-vis de la petite société des cadres supérieurs de la mine. En parler ouvertement, ce qui semblait briser un constant tabou dans la famille, me parut avoir un effet bénéfique sur chacune, d'autant que mes maigres apports coïncidaient souvent avec les bouts de vérité qu'elles avaient entendus de leur mère décédée depuis longtemps.

Toutes deux avaient assisté à la mort de leur père…

Précisons d'abord que la famille Olivier résidait dans une grande maison bourgeoise, au centre du hameau du Magny, le long de la route qui monte vers Sanvignes. De l'autre côté de la route se trouvait la place de l'église encadrée des deux écoles, celle des garçons et celle des filles. Autour de la place, à proximité immédiate, et dans tout le bourg logeaient des ouvriers, français ou polonais, et des agents de maîtrise. Quelques maisons d'ingénieurs se trouvaient vers l'arrière de la maison du divisionnaire. En somme une géographie presque féodale : l'église, le château et tout autour les ouvriers…

Les puits Darcy se trouvaient vers le S-SE, à moins d'un kilomètre en empruntant le chemin qui traversait l'ancien site des puits du Magny et longeait la carrière de remblais des Genatas, nettement plus loin si on voulait prendre la route goudronnée vers Montceau, puis vers le carrefour de l'Ecuyer.

 

   

 

"Notre mère avait pris l'habitude de nous envoyer le chercher le soir à la sortie de son bureau, nous les grandes filles (Marie-Claire 9 ans et Michelle 7 ans), peut-être dans l'idée de le protéger. On y allait par le sentier direct. Quelques jours auparavant, en rentrant par ce chemin des puits, on avait vu des gars en train de réparer un vélo qui était par terre ; notre père était ce jour-là avec son adjoint, l'ingénieur Couka, et je me souviens l'avoir entendu lui dire : "Ceux-là, ils cherchent à repérer quelqu'un".

Le 15 juillet, nous étions parties toutes les trois, Michelle et moi, mais aussi notre petite-sœur Françoise (2 ans, mère de Lucie) dont nous poussions le landau. On était toujours en avance et on avait l'habitude de passer dire bonjour à Mme Simonet, la femme du maître-mineur, dont la maison se trouvait presque au débouché du chemin, en face du grand portail du puits, car elle nous donnait des bonbons. Et nous avons remarqué trois vélos déposés dans les broussailles au bord du chemin, et moi (Marie-Claire) j'ai vu trois hommes qui se trouvaient dans le bosquet d'acacias visible depuis le jardin des Simonet, avec ce qui devait être des fusils, parce que ça me paraissait gros.

Quand nous sommes descendues chercher notre père, à son bureau, nous le lui avons signalé et il a passé deux coups de téléphone. Puis nous sommes partis ensemble vers la sortie ; et là, à peine franchi le portail, ça a tiré ; les trois hommes étaient bien dans ce bosquet d'acacias qui dominait la route. Michelle s'est mise à courir avec le landau, en direction de la maison de Mme Simonet ; mon père s'était baissé et a essayé de rentrer dans l'enceinte du puits, mais ils tiraient, ils tiraient et j'ai entendu crier, en français, "Visez-haut", comme s'ils avaient voulu éviter les enfants… Alors moi, j'ai couru de toutes mes forces en direction de la maison, par ce fameux chemin, pour prévenir notre mère."

 

   

 

 

Conduit immédiatement à l'hôpital des mines, André Olivier y décèdera quelques heures plus tard et sera immédiatement ramené à son domicile. Les filles se souviennent d'avoir vu le corps de leur père, la tête entourée de pansements.

 

 

Qui était donc l'ingénieur divisionnaire Olivier ?

 

Louis André Olivier est né le 8 novembre 1902 à Saint-Etienne d'un père prénommé Gabriel, 29 ans, ingénieur des mines, exerçant le métier de contrôleur des houillères (il sera retraité en 1936).

 

Assez naturellement c'est vers l'école des mines de Saint-Etienne que le fils allait aussi se tourner ; il obtenait son diplôme en 1925.

 

 

Le 1er juillet de la même année, il était embauché comme ingénieur débutant aux Mines de Blanzy, au salaire mensuel de 9.600 F.

 

 

Sa fiche personnelle aux archives de l'ANGDM (Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs) permet de tracer sa carrière  jusqu'à sa mort, en juillet 1944.

On voit qu'il connait une ascension fulgurante puisqu'il devient ingénieur divisionnaire en 1932, sept années seulement après son embauche (la "division" représentant une zone cohérente d'exploitation du bassin, composée de différentes installations : puits d'extraction, d'aération, de service, carrières de remblais etc…) Les puits Darcy I et II sont alors les plus récents, puisqu'ils ont été mis en exploitation en 1928 et 1934, entraînant la fin d'exploitation des puits voisins du Magny. Darcy devient ainsi division, dont Olivier va prendre la tête. Dans les houillères, on ne menait pas une telle carrière sans être particulièrement rigoureux professionnellement et moulé idéologiquement dans la discipline totalitaire de la compagnie. La réputation d'Olivier devient très vite celle d'un chef rigide et dur. Parallèlement on reconnait parfois que derrière ce profil sévère se manifestent les traits d'un catholique fervent, humain et juste. Tous n'en étaient pas convaincus (voir témoignages ci-dessous) et certains allaient même en faire le symbole de l'exploitation patronale…  

 

André Olivier s'est marié à Paris, le 3 avril 1934 avec une jeune fille d'ascendance maternelle luxembourgeoise, Odile Catherine Fischer, née en 1905 au Luxembourg. Ils auront quatre filles, nées en 1935, 1937, 1942 et 1944.

 

 

 

L'enquête

 

Dans cette période où les actions de la résistance abondent, en même temps que les délits de tout genre, la police est surchargée et les affaires sont traitées rapidement. Ajoutons que celles qui paraissent sensibles  le sont souvent avec réticence de la part de policiers vivant dans la crainte permanente des représailles.

 

Le meurtre d'André Olivier est immédiatement suivi localement par un nouveau commissaire, Léopold Challon,  arrivé récemment à Montceau pour prendre le commandement de la section locale de police de Sûreté (en commun avec celle du Creusot). Il interrogera deux témoins seulement, les seuls à s'être trouvés à proximité de la sortie au moment des faits (ou à s'être fait connaître, peut-être simplement car ils n'avaient rien vu). Ci-dessous, extraits de son rapport :

 

   

 

Montceau, 2 août 1944    

Le Commissaire de Police de Sûreté CHALLON L.

Chef de la Section de Police de Sûreté à Montceau-les-Mines,

A Monsieur le Commissaire Divisionnaire,

Chef du Service Régional de Police de Sûreté à Dijon

 

" (…) Le  15 Juillet 1944, vers 17 heures, le Service était téléphoniquement informé que M. OLIVIER, Ingénieur Divisionnaire des Mines, venait d'être abattu alors qu'il venait de quitter son service au "PUITS DARCY", à Montceau-les-Mines.

    Assisté de mon collègue GAUQUELIN du Commissariat de la Sécurité Publique et de l'Inspecteur MANIERE du Service, je me suis aussitôt transporté (sur place) …

(…)  Devant le portail du "PUITS de DARCY", à deux mètres quarante du mur de clôture, on devine, bien que déjà lavées, des traves de sang et de matière cérébrale ; de légères cavités dans le sol goudronné de la rue indiquent le point précis où fut commis l'attentat.

    Le lieu est assez désert : en face du portail du puits se dresse, de l'autre côté de la rue, une butte de terre, où croit une végétation luxuriante, notamment de jeunes acacias ; quelques mètres plus bas, en direction de la ville, on rencontre un carrefour où deux routes permettent, l'une de se rendre à Montceau, l'autre d'accéder au village du Magny. Les abords de ce carrefour sont légèrement surélevés par rapport à la chaussée et eux aussi sont couverts d'une végétation très abondante. Le lieu est donc propice à une embuscade.

    Aucun témoin majeur de la scène n'a pu être entendu : M. OLIVIER était accompagné de ses fillettes, dont l'aînée est âgée de six ans à peine. Prostrée, plusieurs jours durant, elle n'a pu fournir aucun renseignement utile malgré toute l'attention apportée par Mme OLIVIER à cet effet.

 

  1. LAVILLE Jean, 63 ans, concierge aux Mines de Blanzy à Montceau-les-Mines, au puits de Darcy, déclare avoir entendu des coups de feu, à peine M. OLIVIER avait-il franchi le portail de la Mine. Apeuré, il sortit quelques instants plus tard pour voir son chef, étendu sur la route. A aucun moment il ne vit les agresseurs.

 

  1. SIMONET Claude, 46 ans, Chef marqueur (…) se trouvait dans son bureau, lorsque, quelques minutes à peine après avoir vu sortir M. OLIVIER, il entendit des coups de feu. Il sortit et vit tout d'abord la fille aînée de M. OLIVIER évanouie à la porte de son bureau. Il fit entrer l'enfant dans son bureau et sortit pour appeler à l'aide : c'est alors qu'il découvrit le cadavre de M. OLIVIER auprès de qui se trouvait déjà M. LAVILLE, concierge.

 

    Il n'a pas été possible d'entendre un quelconque autre témoin. Certes le lieu est quasi désert et se prête très facilement à une agression ; mais la population indigène vit actuellement sous la hantise du crime (chaque jour, en effet, une ou plusieurs personnes sont abattues sans qu'il soit possible de découvrir les auteurs de ces attentats).

    Bien que la rumeur affirme que les attentats précédents soient l'œuvre de certains éléments de "la Résistance", il n'a pas été possible d'établir que cette "Résistance" ait eu un grief possible à formuler à l'encontre de M. OLIVIER. Il semble que l'on se trouve en présence d'une rancune personnelle, assouvie sous l'anonymat et sous, comme il vient d'être dit, sous le paravent de  "la Résistance".

    Les autres enquêtes en cours, toutes criminelles, et le peu d'effectifs dont dispose la Section de Police de Sûreté m'ont obligé, compte tenu de la personnalité du défunt, à faire appel aux fonctionnaires de la Brigade Régionale de Police de Sûreté à Dijon.

    Ceux-ci, après avoir pris connaissance de l'enquête effectuée sur place par mes soins continuent leurs investigations.

Le Commissaire de Police de Sûreté

 

   

 

 

L'affaire est donc passée à la XIème brigade de police de Sûreté de Dijon, qui la confie à un familier de Montceau, Georges Bon (devenu récemment commissaire). Son rapport livre quelques éléments intéressants :

 

   

 

 Dijon, 21 juillet 1944

Le Commissaire de Police de Sûreté BON Georges,

à Monsieur le Commissaire Principal,

Chef de la XIème Brigade Régionale de Police de Sûreté à Dijon

 (…)

Pièces jointes : 3 auditions, 1 P.V. de constatations, 1 croquis des lieux

 

    J'ai l'honneur de vous rendre compte, que m'étant rendu à Montceau-les-Mines, en compagnie des inspecteurs COTTIN et LEWACK du Service, je me suis mis en relation, suivant les instructions reçues, avec les Commissaires GAUQUELIN de la Sécurité Publique et CHALLON, de la section locale de Police de Sûreté.

    Après avoir pris connaissance de la procédure établie par les soins du Commissaire CHALLON, j'ai continué l'enquête.

    La Veuve de la victime Mme OLIVIER, 29 ans, sans profession, demeurant à Montceau-les-Mines, rue du Verne, a été entendue par nous, et ses déclarations consignées dans un P.V. ci-joint.

    Elle a tenu à nous déclarer, mais seulement verbalement qu'il pouvait avoir relation de cause à effet entre ce meurtre et l'article publié le 11 avril dernier par la presse parisienne et locale. Dans cet article, il était mentionné que la police avait été assez heureuse, lors des opérations de Montceau-les-Mines, en procédant à l'arrestation d'individus ayant projeté d'assassiner, à cette époque, M. OLIVIER (Voir affaires MAKILLA et BADET).

   Quelques jours après la parution de cet article, M. OLIVIER avait adressé une lettre au Procureur de la République à Chalon-sur-Saône, protestant au sujet de cette publication (lui-même n'ayant été informé que par la presse). Un mois et demi après, il lui fut répondu de s'adresser au Ministère de l'Information à Paris. Les évènements et l'assassinat du Ministre de l'Information(*) empêchèrent M. OLIVIER de protester auprès des autorités compétentes.

    M. OLIVIER demanda à ce que la Police Mobile fasse le nécessaire pour s'informer de l'identité de la personne ayant fait cette publicité autour du nom de son défunt mari.

    De plus, Mme OLIVIER tint à nous signaler qu'il y a environ un mois et demi, une voiture occupée par des jeunes gens se trouvait en stationnement devant le bureau de son mari, à l'heure de la sortie de ce dernier.

    Enfin, il y a quinze jours environs, à la même place, des ingénieurs, dont son mari ne lui a pas indiqué les noms, ont remarqué une motocyclette montée par 3 jeunes gens. La machine semblait être en panne. Cependant M. OLIVIER a déclaré à sa femme, le soir-même, qu'il avait eu l'impression que ces personnes épiaient ses gestes.

    Au bout de son audition, Mme OLIVIER, qui se montra très avare de paroles, ne croit pas que son mari ait été victime d'une vengeance personnelle, mais plutôt qu'il devait figurer sur les listes de représailles des personnes à exécuter, M. OLIVIER se trouvant une personne assez marquante parmi les chefs de la Mine.

    Des renseignements recueillis au puits Darcy présentent M. OLIVIER comme un chef sévère, mais juste, ne se livrant à aucune activité politique et n'ayant jamais manifesté de sentiments pour l'une ou l'autre des parties belligérantes. Tout le personnel du "jour" de la mine le regrette et se demande si l'ingénieur succédant saura réunir autour de lui autant de sympathies.

    Il est à remarquer que dans le courant de l'hiver dernier des papillons le menaçant de mort avaient été apposés dans différentes parties de la ville de Montceau-les-Mines.

    Il est fort probable que les assassins de M. OLIVIER appartiennent à la bande de jeunes exerçant actuellement son activité à Montceau-les-Mines, un 26ème assassinat, depuis un mois, venant d'avoir lieu ce jour.

    Nos investigations continuent et nous ne manquerons pas, le cas échéant, de vous faire connaître les résultats de nos recherches.

 

Le Commissaire de Police de Sûreté

 

(*) Philippe HENRIOT, secrétaire d'Etat à l'information et à la propagande du gouvernement Laval, est abattu par le commandement FFI à  Paris, le 28 juin 1944.

 

 

   

 

 

 

André Olivier, en noir et en blanc…

 

Il est de plus en plus rare de pouvoir entendre des témoignages directs sur la personnalité de l'ingénieur divisionnaire. Ces dernières années, il était encore possible d'en recueillir quelques-uns :

 

Robert Branchet, rencontré en juillet 2013.

Né en 1926, il continuait de vouer une grande reconnaissance à M. Olivier, sur la tombe duquel il allait parfois prier au cimetière de Sanvignes.

 

 

"Nous habitions à la cité Groseille ; ma mère était veuve et avait à s'occuper de cinq enfants, mes deux sœurs ainées, moi, et deux jumeaux nés plus tardivement hors mariage. Elle faisait des chaussettes à la maison, et le jeudi allait laver le linge dans des fermes. A 14 ans, j'avais l'âge de travailler et de ramener mon salaire à la maison. Mais là où on aurait pu m'embaucher alors, au crible du port, qui traitait le charbon des puits des Alouettes, de la Centrale et de Saint-Louis, l'ingénieur Pozetto me refusa, car il avait une surabondance de gamins candidats, et il fallait attendre des mois.

C'est ainsi qu'en janvier 1941, je me suis présenté à Darcy devant M. Olivier qui, au vu de ma situation familiale, m'a embauché immédiatement, en même temps que Tadek Szmatula. On est resté deux ans au crible, puis on est allé au fond où on est devenu charretier. Et M. Olivier m'a aidé à une autre occasion ; l'employé du magasin  m'avait refusé des pneus de vélo, car la distance à mon domicile n'était pas tout-à-fait de 4 km ; il avait jugé qu'il manquait 100 mètres ! J'ai réussi à passer tous les filtres et avoir un rendez-vous avec M. Olivier, qui m'a fait immédiatement un bon…  Je me souviens de lui comme d'un homme extrêmement humain".

 

 

Victoria Babski, née en 1928, rencontrée en mai 2015 :

 

 

"Nous étions une famille ukrainienne, mon père s'appelait LEW, né près de Lwow. Nous habitions alors rue Chopin, dans les baraques des Georgets, un tout petit logement avec deux pièces. Mon père travaillait au puis Darcy. Le chef, l’ingénieur Olivier, était détesté des ouvriers du quartier ; plusieurs fois, il allait recevoir des cercueils ! Mais j'ai surtout en mémoire une rencontre avec ce personnage. Mon père avait décidé d’aller le voir pour demander un logement plus vaste ; comme il parlait mal français, il m'avait emmenée pour l’assister. La requête faite, Olivier se tourna vers moi, en soulignant du doigt une ligne du grand registre placé devant lui, il me dit : « Ma petite, tu diras à ton papa que quand il travaillera le 1er mai, il aura un logement… ".

 

 

 

Léon Zlobynski était né en 1930, dans une famille polonaise du Magny, dont la demeure se trouvait à proximité de celle des Olivier. Une amitié étonnante s'était nouée entre les deux personnes, l'ingénieur divisionnaire, mûr et autoritaire, et le gamin polonais de 13-14 ans. Chaque jour après le travail, ils se retrouvaient pour jardiner.

 

Marie-Claire Olivier (en juin 2013) :

  "Vous savez, mon père, il avait 4 filles, et tous les soirs, c'est Léon qui venait. Alors mon père pouvait parler à un garçon, c'était mieux ! Et Léon allait au jardin avec lui, il faisait des tas de choses avec lui, entre 5 et 7.  (…) Il devait avoir envie de se cultiver, d'apprendre des choses et mon père devait lui apprendre beaucoup. Ma sœur Michelle m'a raconté qu'après la mort de notre père, il a continué à venir ; il était tout le temps là et il voulait toujours parler de cette histoire d'assassinat, et ma mère a fini par lui dire "Je ne veux plus entendre parler de ça ! Alors ne reviens plus…"  

 

Lorsque nous l'avons rencontré en 2010, Léon Zlobynski n'avait pas oublié l'ingénieur et ne tarissait pas d'éloges sur lui et sa famille …  jusqu'à nous dévoiler les noms qu'une opiniâtre enquête lui avait permis d'identifier pour être ceux des assassins. Voir infra...

 

 

André Olivier, cible des Polonais

 

On entendait bien sûr souvent : "Olivier il était sévère", "Il poussait à la production…", "A Darcy, il fallait produire, produire…" "Les chefs nous menaçaient toujours de nous envoyer en Allemagne.."

Mais il semble établi que la menace d'être licencié de la mine et envoyé travailler en Allemagne était lancée dans tous les puits par certains chefs de poste, maître-mineurs voire ingénieurs (cf dans "les Téméraires", le meurtre de l'ingénieur Jean Bousquet, en janvier 1944), il y a peu de traces qu'André Olivier en ait particulièrement usé.

 

*/    Aux archives départementales, nous avons trouvé un seul cas qui s'en rapproche, celui du Polonais Ignacy KWASNY, qui formule ainsi son histoire (ADSL 2548W5) :

 

 

"Je me nomme KWASNY Ignace, né le 13 août 1906, mineur, marié, sans enfant, domicilié à Sanvignes, au lieu-dit « les Georgets ».

Je suis parti une première fois en Allemagne au mois de mars 1942. C'est à la suite de différents que j’ai eu avec mes chefs à la Sté des mines de Blanzy que je me suis vu dans l’obligation de quitter le pays. J’avais été inquiété peu de jours auparavant par les services de police locaux pour meneur. Je faisais alors partie d’un groupe d’ouvriers qui menaçaient de ne plus descendre au fond du puits en raison des mauvais traitements qu’on y subissait alors. Puis j’ai été menacé par l’ingénieur des mines Olivier de partir de force travailler en Allemagne. Pris de peur, j’ai alors signé un contrat pour ce pays".

 

 

Certes Olivier est cité, mais l'envoi en Allemagne est bien indirect !

 

*/    En réalité ce qui l'emporte dans ce témoignage, c'est l'allusion à la tension sociale qui règne aux puits Darcy. Ce sentiment était partagé par l'ingénieur Georges Griveaud qui nota la difficulté particulière à y implanter son mouvement de résistance, le MORB, simplement car les ouvriers y étaient d'une extrême méfiance ("Darcy est pourri par Olivier").

La grève menée par les mineurs du bassin montcellien en décembre 1941 avait déjà permis de le constater. Un article de ce blog - les mineurs arrêtés en 1941 - révèle la présence des ingénieurs, et parmi eux d'André Olivier, pour inciter directement les ouvriers du fond à prendre le travail lors des descentes des 16 et 17 décembre.

Les nombreuses arrestations qui suivirent (28 mineurs, dont 15 Polonais, parmi lesquels Ignacy Kwasny), bien que de courte durée, ne firent qu'amplifier l'ambiance détestable qui existait, spécifiquement à Darcy, entre les ouvriers et leur hiérarchie. Ci-dessous la déclaration que fit un autre arrêté, Léon Adamski, au commissaire Marcel Dives qui recherchait les meneurs :

 

 

"… Faisons comparaître devant nous le nommé ADAMSKI Léon; 18 ans, rue de l'Embouche à Sanvignes-les-Mines qui déclare :

   Je travaille à Darcy-I. Je n'ai pas travaillé ; j'aurais bien voulu le faire mais voyant que les autres ne descendaient pas, je ne suis pas allé au travail. Etant aux douches et alors que je me déshabillais, j'ai entendu crier très fort "du pain !" et "on ne travaille pas !". J'ai entendu mais je n'ai pas vu qui a crié, j'ai suivi le mot d'ordre. M. Olivier m'a demandé de descendre, je lui répondu "donnez-nous du pain", mais voyant que personne ne descendait, j'ai fait comme les autres mais je n'ai causé à personne.

Lecture faite persiste et signe"

 

   

La hiérarchie en général, et André Olivier particulièrement, furent accusés d'avoir désigné les meneurs à la police. Les mineurs polonais, les plus touchés par la répression, firent désormais d'Olivier un symbole de l'oppression patronale, d'autant qu'il mettait un soin particulier à accroître la productivité du travail.

 

*/    Ce sentiment apparaît au grand-jour à la fin de l'été 1943, quand la section nationale de la MOI polonaise publie un exemplaire de son tract national ZWIAZKOWIEC ("Le Syndicaliste") tout entier consacré aux mines de Blanzy. L'ingénieur divisionnaire Olivier y est brocardé personnellement à cause de sa rigidité à vouloir limiter les arrêts de travail, les fameuses "feuilles" accordées par les médecins en cas d'accident ou de maladie, marques de l'important absentéisme qui sévissait alors. La menace est à peine voilée : "le moment des règlements de compte approche" - (voir tract entier et traduction - ICI - )

 

 

 

*/    La décision d'abattre Olivier semble en effet déjà prise au sein de l'organisation communiste polonaise. On sait que le premier groupe armé FTP-MOI était alors en création et qu'un commissaire militaire allait être envoyé de Paris fin août 1943. Son histoire est largement décrite dans Respol71 - voir ICI - . Henri Pawlowski "Gaston" allait diriger un premier déraillement de train, au Pont-des-Vernes, dans la nuit du 25 au 26 septembre 1943 ; mais le groupe allait être capturé par les gendarmes de Montceau le 7 octobre, transféré à la prison d'Autun le lendemain puis livré aux Allemands le 9 novembre. Ses membres allaient connaître une fin tragique : "Gaston"  mourut entre les mains de la Gestapo de Chalon, le 13 novembre 1943 ; ses quatre compagnons furent déportés au camp de Buchenwald où trois allaient mourir. Nos récentes recherches (AD21 1072W5) nous ont permis de retrouver le PV d'interrogatoire d'Henri Pawlowski par l'inspecteur Georges Bon, de la XIème brigade régionale de Dijon, daté du 15 octobre 1943 lorsqu'il se trouvait à la prison d'Autun. Comme Bon savait en obtenir, cet interrogatoire est extrêmement détaillé et on y découvre le passage suivant :

 

  " (…) A Montceau-les-Mines DUPONT (celui que "Gaston" présente comme son chef parisien) m'avait signalé un  ingénieur des mines du nom de OLIVIER ou OLIVAIN, qui était un "collaborateur". Il m'avait demandé de me renseigner, et dès que l'occasion se présenterait de l'exécuter. (…) Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour agir et je n'ai commis que les attentats suivants : … "  

 

*/    Première tentative d'assassinat en janvier 1944.

Passe la grève des mineurs de fin octobre 1943, plus marquante pour le bassin minier que celle de décembre 1941 (voir dans "les Téméraires", chapitre 6.2). Cependant cette fois Darcy est moins touché, les puits de Plichon, des Alouettes et de Saint-Louis étant en première ligne, en matière de répression également puisque deux quartiers (Saint-Louis et Bois-du-Verne) allaient être bouclés et les mineurs soumis à des vérifications par la police française. Le traumatisme est grand dans la population et la nouvelle organisation de jeunesse qui vient de se créer dans l'orbite du parti communiste clandestin, les F.U.J.P (Forces Unies de la Jeunesse Patriotique) veulent frapper fort contre les chefs les plus autoritaires de la Mine. Deux ingénieurs sont visés en priorité : Bousquet aux Alouettes et Olivier à Darcy. Deux binômes sont désignés pour les abattre le même jour, le 5 janvier 1944, Simon et Smolarek - détails ICI - pour Bousquet, André Badet et Konrad Makilla (20 et 21 ans) pour Olivier, tous deux habitants du carrefour de l'Ecuyer. Les deux premiers réussissent leur coup, les deux seconds ratent Olivier !  L'affaire ne sera connue que plusieurs semaines plus tard, à l'arrestation des deux hommes par la police française, consécutive aux rafles des 20-22 février 1944. On a retrouvé aux archives départementales de Côte-d'Or leurs interrogatoires, en date du 15 mars 1944, signés du commissaire Marsac. Voici celui d'André Badet :

 

  " Il est exact que je me suis plaint à DESROSEREUIL (chef des FUJP : Marcel Dérozereuil) de l'attitude trop sévère de l'Ingénieur Divisionnaire OLIVIER envers les ouvriers. MAKILLA était à ce moment-là avec moi. DESROSEREUIL nous convoqua alors pour une réunion qu'il devait tenir au café DESHOTEL au cours de laquelle il nous donna l'ordre, à MAKILLA et à moi-même, de "descendre" OLIVIER. A cet effet, il nous remit un révolver à chacun et c'est ainsi que le même soir, vers 18h30, en compagnie de MAKILLA, je me suis rendu aux abords du domicile de l'ingénieur. Nous nous sommes appostés à quelques mètres de la maison de Mr OLIVIER et nous avons attendu la venue de ce dernier durant une demi-heure environ. Voyant qu'il n'arrivait pas, nous avons pensé qu'il était déjà rentré et nous nous sommes retirés.  Par la suite, du moins en ce qui me concerne, je n'ai pas renouvelé cette tentative de meurtre. D'ailleurs le lendemain, j'ai remis le révolver à DESROSEREUIL qui s'est montré très mécontent d'apprendre que nous n'avions pas réussi à exécuter OLIVIER."  

 

C'est l'information sur cette tentative qui fuita et fut reprise par la presse le 11 avril suivant, suscitant une vive émotion chez André Olivier et sa famille, la police ne l'ayant pas informé ni mis en garde contre le danger qui le menaçait.

 

*/   1er mars 1944 - Chasse au résistant au fond du puits

Le 29 février 1944, vers 9h00, quatre hommes pénètrent à la mairie de Pouilloux où doit avoir lieu la distribution aux habitants des tickets d'alimentation du mois de mars. Il s'agit d'une opération des FTP destinée au ravitaillement du maquis qui est en train de s'installer près de Suin (maquis Valmy) pour accueillir les rescapés des opérations de police en cours. Sans peine, ils s'emparent de plus de 2000 feuilles de tickets de pain, viande et matières diverses. Par hasard, une patrouille de gendarmes de la brigade de Montceau se trouve dans la commune et interroge à chaud les témoins. Un des résistants est reconnu pour être Alfred MARCHAL, demeurant au hameau des Chavannes et mineur à Darcy. Quand les gendarmes se présentent sur les puits pour le cueillir, celui-ci vient de descendre au fond… le récit des gendarmes DUBRESSON et PATRU, en date du 6 mars 1944 (ADSL 1W12704, décrit la suite :

 

 

"A notre arrivée sur les lieux, MARCHAL était descendu prendre son poste (…). Bien que l'ordre de remonter lui en avait été donné par son chef de poste, cet individu ne s'y est pas conformé. Il s'est présenté au puits de l'Essertot, prétextant être blessé, en déclarant au machiniste d'avoir à le remonter ; mais ce dernier a refusé bien entendu. D'après les renseignements recueillis, à 1h30 ce 1er mars 1944 MARCHAL se trouvait encore près des écuries à l'intérieur du puits. Depuis l'on perd sa trace.

l'Ingénieur Divisionnaire des Mines, ayant été mis au courant par notre Commandant de Section, est arrivé sur les lieux à 2h00, et après s'être fait expliquer de quoi il s'agissait, a décidé de descendre lui-même au fond de la mine accompagné des gendarmes REMY, BESNARD, DEVENNE et DERONCE, afin de découvrir MARCHAL, mais cependant sans résultat.

Des précautions ont été prises aussitôt pour que la sortie du 1er mars à 5h30 soit étroitement surveillée ; en effet M. l'ingénieur OLIVIER a mis à notre disposition des maîtres-mineurs et chefs de poste connaissant parfaitement MARCHAL et tous les puits dont les galeries aboutissent à Darcy ont été sérieusement gardés. Tous les hommes remontant du fond ont été contrôlés, mais le recherché n'a pu être découvert."

 

 

Nul doute que cette participation personnelle d'André OLIVIER à une chasse au résistant aura marqué les esprits !

 

*/    La chute de l'organisation MOI polonaise à partir du 5 mars 1944  

Quelques jours plus tard, c'est toute la zone de Darcy qui allait se trouver au centre des opérations menées par la police française contre la résistance communiste polonaise. C'est en effet dans les baraques du Pré-Long, aux portes des puits,  et dans les cités avoisinantes (le Magny, Darcy) que se déroulèrent les premières arrestations qui allaient entraîner la chute de plusieurs dizaines de résistants polonais du bassin minier, MOI d'abord puis POWN. En outre c'est l'ambulancier du site minier qui indirectement avait mis la police sur la piste du premier arrêté, Léon Myskowiak, celui qui allait parler et faire tomber les autres…

On objectera qu'André Olivier n'était en rien mêlé à cette affaire, mais l'association de Darcy à ces arrestations massives ne pouvait qu'ajouter à son débit.

 

 

Les assassins présumés… attendre encore pour conclure

 

L'hypothèse polonaise

Rapidement, circula un nom, celui du Polonais Mieczysław Kokot - voir ICI - , qui avait participé précocement à l'un des groupes de jeunes "sportifs" organisés par les premiers envoyés parisien de la MOI en 1942, puis au groupe éphémère de "Gaston" et au maquis polono-russe qui avait suivi. La veuve d'André Olivier avait acquis la conviction de sa culpabilité, partagée ensuite par ses filles. Rencontré il y a une dizaine d'années, le principal témoin de la POWN était arrivé à la même conclusion… Les derniers anciens de la résistance communiste polonaise n'en savaient rien, ou ne voulaient rien dire.

Le jeune homme travaillait au puits Darcy ; habitant le quartier des Gautherets, il descendait par le puits de l'Essertot, où il avait eu maille à partir avec des agents de maîtrise ; certains évoquaient le vol d'une "recipe" de bois.

Mais les filles avaient la certitude que les tireurs étaient trois ; c'est en rencontrant Léon Zlobynski que le trio se compléta. Je revois encore le brave Léon (il est mort en 2012) me dire dès sa porte franchie : "Wieczorel, Kokot et Bargiel, c'est eux qui ont tué Monsieur Olivier"

Il tenait cela de son interminable quête de savoir, au lendemain de l'assassinat, qui l'avait amené à fureter dans la communauté polonaise, interrogeant sans fin les uns et les autres. Il ne put m'amener qu'un indice sérieux de sa recherche : Emil Wieczorek avait tout le profil aventureux d'un exécuteur du maquis (il ne pouvait s'agir que de lui, car son père Andrzej et son frère Edmund avaient été parmi les arrêtés de mars 1944, puis déportés) ; sa propre sœur aurait raconté l'histoire à sa patronne alors qu'elle allait être bonne de maison, après la guerre. Quant au nom de Bargiel, il est bien connu puisque c'est celui de "Roger", le chef du maquis Mickiewicz, mais on connaît à Mieczysław Bargiel - bio - un profil trop politique et prudent pour avoir participé à une telle affaire. Son frère alors ?

 

Autres rumeurs

On voit que l'enquête n'est pas achevée. D'autres opinions circulent dans le bassin minier, à partir de trois cyclistes suspects rencontrés du côté du Bois-du-Leu, qui n'auraient rien eu de polonais.

Pour ce qui est des preuves écrites, la plupart des archives concernées ont été visitées, reste cependant quelques cartons difficilement accessibles au SHD-Vincennes… à suivre.

 

Nous comptons aussi sur des indices provenant des familles, directes ou proches, la loi du silence n'ayant plus guère lieu d'être aujourd'hui, remplacée par un évident intérêt historique et sociologique commun à comprendre ce qui motiva les actions des nôtres en ces temps si terribles que traversait le pays.

 

 

Documents :

Archives départementales S&L et Côte d'Or / ANGDM / SHD

Sources familles Olivier et Zlobynski

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



19/01/2021
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