Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Marius JACEK, 1920 - 1998, du syndicat des mineurs aux parachutistes S.A.S.

13 février 2022

 

 

A son bureau, sous le portrait de Marius Mathus,

assassiné par les communistes en juillet 1943.

 

 

Note - Outre nos sources habituelles ADS&L, ANGDM, académie François Bourdon au Creusot, famille, cette biographie a bénéficié d'une source exeptionnelle, un long entretien audio de Marius Jacek réalisé en 1987 par le SHAA (service historique de l'Armée de l'Air) et conservé au SHD, au château de Vincennes.

 

 

 

Au fil des bassins miniers, regroupement familial à Montceau

 

Marius Jacek est né le 13 janvier 1920 à Saint-Genest-Lerpt, commune ouvrière attenante à Saint-Etienne. Ses parents, Antoine, né en 1893, et Jozefa Olzewska, née en 1896, étaient arrivés de Pologne en région parisienne (Argenteuil) le mois précédent. Venus sans contrat de travail, ils avaient été dirigés vers les mines de Saint-Etienne. La jeune famille n'allait pas rester dans la Loire mais partir pour un autre bassin minier, celui du Pas-de-Calais où le père allait se faire embaucher aux mines de Courrières, vers 1921. Ils habitaient alors Noyelles-sous-Lens. Dans la même période, le père d'Antoine, Tomasz, né en 1860, et son frère cadet Wladyslaw né en 1906, avaient décidé eux-aussi de prendre le chemin de la France. Eux avaient été dirigés vers Montceau-les-Mines, où ils furent embauchés en ??. C'est donc là que la famille allait se regrouper. On les retrouve habitant ensemble dans une baraque de la cité des Georgets au recensement de 1931…

Destin exceptionnel pour un petit Polonais d'alors, le jeune Jacek allait avoir un parcours scolaire brillant; il fréquentait probablement l'école primaire française du Magny et y obtint son certificat d'études primaires. Sans doute poussé par son instituteur et ses parents, il poursuivit sa scolarité jusqu'à obtenir son brevet élémentaire ! Il allait ainsi échapper à la condition ouvrière...

 

Le 1er janvier 1937, Marius est ainsi embauché comme secrétaire administratif au syndicat des mineurs de Montceau, en charge de tâches d'interprétariat et d'assistance juridique aux adhérents polonais. Sur les registres du syndicat, il est noté "dactylo, interprète" au salaire mensuel de 1200 FF. On voit que bientôt, il va acquérir une dimension plus politique et trouver une place dans les instances du syndicat. (On le trouve devenu membre du conseil d'administration en mars 1944).

 

On comprend vite que père et fils sont alors proches du P.P.S. le parti socialiste polonais. Ils allaient ensemble s'enthousiasmer pour les évènements du Front populaire. C'est avec émotion que cinquante ans plus tard, Jacek dira aux historiens du SHD qui recueillaient son témoignage : "J'ai participé à cette révolution sociale de 1936 avec mon père. J'ai vu pour la première fois de ma vie les hommes, quand ils ont obtenu gain de cause pour les 8 jours de vacances, et pour travailler cinq jours par semaine, je les ai vus pleurer de joie."

 

Cette appartenance commune est sans doute l'explication de son embauche au syndicat, où Marius Jacek allait rapidement devenir le bras droit du secrétaire Marius Mathus en direction des militants polonais. Ceux-ci constituaient une force importante dans l'organisation, presque aussi nombreuse que les Français ; dans les équilibres politiques interne, la présence des Polonais consolidait la position de Mathus et de son courant socialiste pacifiste.

 

La célèbre photo prise à l'occasion de l'assemblée des sections polonaises de la CGT, le 13 janvier 1935, illustre cette force massive des Polonais dans le syndicat. On constate d'ailleurs que Marius Jacek y figure déjà, au premier rang à la droite de Marius Mathus, comme s'il était déjà appelé à des missions ponctuelles, avant d'être embauché (il avait alors 15 ans).  

 

 

1939 - le pacte germano-soviétique, la guerre, la question polonaise au cœur du positionnement syndical

 

Un article de respol71 relate déjà ces événements  – voir https://www.respol71.com/les-sections-polonaises-de-la-cgt .

 

Extrait :  On sait que la signature du pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, entraîna la dissolution du parti communiste et des organisations rattachées ; à l'intérieur de la CGT réunifiée depuis 1935, les militants du parti qui refusèrent de se désolidariser de cette politique soviétique d'alliance avec Hitler, au moment où la France et l'Angleterre entraient en guerre, furent exclus et privés de leurs mandats...

Autant que le pacte lui-même, le sort qui en résulta pour la Pologne, immédiatement attaquée puis dépecée par les deux nouveaux alliés, suscita une émotion particulière au syndicat des mineurs. Nous reproduisons ci-dessous la résolution qui fut adoptée à Montceau...

 

 

 

Le ton visionnaire et les arguments n'ont rien d'extraordinaire aujourd'hui, alors que l'Union soviétique n'existe plus et que les tourments de son histoire ne sont plus niés par personne ; Marius Mathus allait poursuivre par un article retentissant dans le numéro de décembre 1939 du journal syndical "La Tribune", où il retraçait le comportement du courant communiste au sein de la CGT depuis la réunification.

Pour la première fois, le chargé des affaires polonaises, Marius Jacek, signait deux articles où l'on sentait toute la conviction et la rage qui l'animaient alors (voir ci-dessous). Signe des déchirements qui devaient alors le traverser, précisons qu'il venait pourtant d'obtenir la nationalité français, par décret du 19 octobre 1939. 

 

Pour comprendre le tragique de la période, il faut garder présent à l'esprit la date de parution de ce dernier numéro de la Tribune : décembre 1939, la Pologne est vaincue, occupée par les deux compères, l'allemand et le soviétique ; son gouvernement s'est réfugié en France où une partie de son armée l'a suivi. A Montceau, le recrutement des appelés polonais bat son plein et le président des associations polonaises, Stanislaw Rychlik, prépare l'organisation du Noël des aviateurs, destiné aux aviateurs polonais cantonnés à Lyon-Bron - Voir ICI.

 

 

 

Les deux articles de Marius Jacek dans le journal du syndicat des mineurs, en décembre 1939

 

 

Premier article - La CGT a retrouvé son vrai visage

 

Nos attentes et chauds désirs se sont enfin réalisés avec les faits.

Notre vieille C.G.T., celle dans laquelle les ouvriers polonais après leur venue en France exprimèrent leur confiance en se groupant dans ses rangs, se secoue des barbarismes ennemis de la C.G.T. et demeure l'organisation qu'elle était auparavant.

La résolution adoptée le 18 septembre par la majorité des membres du bureau de la C.G.T. et de la Commission Administrative est claire et expressive. Elle ne peut éveiller de malentendu quelconque.

Elle dit :  " Nous ne pouvons pas collaborer avec ceux qui sont d'accord avec le pacte Hitléro-Stalinien et n'ont pas le courage de renier la lâche agression de Moscou sur la Pologne."

La vraie C.G.T. ne pouvait pas prendre d'autre position.

Malgré qu'une partie des syndicats et des fédérations étaient accaparés par des gens qui furent à la solde du traître Staline, l'esprit sain et la conscience nette de l'ouvrier français se révoltèrent et ne voulurent plus avoir aucun rapport avec les sauvageries ennemies.

La C.G.T. dans sa formation et dans son activité reste auprès des pays libres et de la classe ouvrière.

Elle est auprès de la justice.

Elle est pour la liberté de laisser s'exprimer chacun selon sa volonté.

Est-ce que la C.G.T. pouvait prendre une autre position que celle qu'elle a prise ?

Je réponds catégoriquement non ! Parce que si elle avait agi autrement, c'eût été une véritable infamie. Mais elle ne l'a pas fait.

Dès qu'elle eut pris connaissance de cette trahison, elle a immédiatement condamné le pacte germano-soviétique en même temps qu'elle a rompu avec ceux qui voulurent justifier l'un des agresseurs.

Ce n'est pas la scission dans la C.G.T. comme quelques-uns pourraient le soutenir et l'affirmer. Ce serait beaucoup trop d'honneur pour les traîtres.

La C.G.T. reste ce qu'elle a toujours été. Elle se sépare seulement publiquement de ceux qui ne sont pas dignes de rester en son sein.

Ils se sont efforcés de s'emparer des organisations syndicales.

Ils ont introduit beaucoup d'ouvriers dans l'erreur.

Mais là s'arrêtent leurs exploits car la C.G.T. n'a rien à voir avec les agents stalino-hitlériens.

La classe ouvrière polonaise en France s'est organisée avec foi et confiance dans la vieille C.G.T.

Elle fut défendue toujours à l'égal des ouvriers français.

Elle n'a pas eu la vie nationale étouffée, car les ouvriers polonais purent créer des sections polonaises, maintenir leur tradition polonaise.

Nous avions vu un changement du jour où les rangs de la C.G.T. furent envahis par des gens qui se sont entièrement consacrés à la politique de Staline et qui n'eurent aucun rapport avec la véritable activité syndicale.

Ils se sont efforcés à subordonner l'activité de la classe ouvrière polonaise à la politique moscovite et ainsi les disposer en ennemis contre la Pologne. Les sections polonaises syndicales furent des obstacles pour eux et ils faisaient l'impossible pour les liquider dans quelques endroits.

           

          

 

Pour la défense de la vraie CGT et du caractère polonais, nous n'avions pas hésité un seul instant en 1936 et 1937, de rentrer hardiment et ouvertement contre l'invasion moscovite sur notre organisation.

Je me rappelle encore comme aujourd'hui la réunion qui eut lieu au mois de septembre de l'année dernière à Montceau-les-Mines, dans notre syndicat, où notre camarade Pierre Vigne fut calomnié.

Quelle grande différence il y eut entre ce néfaste tableau et la réunion générale du dimanche 12 novembre 1939. Je n'ose y croire.

Nous nous rappelons de quelle façon furent traités nos camarades du bureau fédéral.

Nous nous rappelons de quelle façon furent discrédités nos camarades du bureau du syndicat des mineurs de Montceau-les-Mines et particulièrement notre camarade Mathus.

J'ai cru en ce temps-là que tout le monde était contre nous et on n'a épargné aucune insulte à notre égard ; les mots de traîtres, de vendus, etc, etc… nous étaient souvent décernés.

Les anciens syndicalistes ne pouvaient même plus se présenter à une réunion sans être sifflés. Ceux qui furent les premiers fondateurs des sections polonaises syndicales, ceux qui se sont entièrement consacrés pour le mouvement syndical, ceux qui ont toujours lutté pour une C.G.T. propre, furent traités de la sorte parce qu'ils ne voulurent pas s'incliner devant l'activité des agents staliniens.

Comment pouvons-nous appeler actuellement les adorateurs des chacals ?

Comment appeler ces Thorez, Cachin, Frachon et autres gueulards ? Des révolutionnaires ? Des antifascistes ?

Non ! Ce sont simplement des fourbes qui en cachette et où ils le peuvent, soutiennent la foi du stalinisme en dépit de toute logique, en dépit de toute dignité, découvrent dans la coquinerie de pactiser avec le fascisme une idéologie quelconque ? Laissez-moi rire.

Nous avions toujours défendu une juste cause.

Aujourd'hui se révèle la vérité à quel point avions-nous raison.

Peut-être que maintenant, il n'est pas un grand mérite de se détourner des traîtres stalino-hitlériens en comparaison de cette fuite que nous étions obligés de mener au moment où il nous semblait que nous étions isolés de tous.

Néanmoins, quelle que soit l'issue de la terrible crise actuelle, pour nous désormais, avec plus d'acharnement que jamais, notre combat doit continuer pour l'élimination de notre mouvement des éléments troubles pour lesquels les revendications ne sont que prétexte à une agitation allant à la dictature.

Tous comprennent maintenant que les communistes sont russes. Je ne veux pas ici confondre l'idéal communiste avec l'utilisation abominable qu'en font les staliniens.

Tous nos camarades syndiqués lutteront courageusement contre le mal.

Il m'apparaît maintenant que non seulement le redressement de notre mouvement syndical est possible, mais bien au contraire, qu'il est certain.

Voilà pourquoi, à mon point de vue, la lâche trahison bolchévique permettra au syndicalisme français de retrouver sa véritable figure.

 

Jacek Marius

 

 

 

2ème article - La lutte pour la liberté de la Pologne

 

La lutte pour la liberté de la Pologne est menée depuis plus d'un siècle. Elle est le principal mot d'ordre de tous les Polonais sans considération du lieu où ils habiteraient. Il peut y avoir des Polonais de différentes races, mais lorsqu'il s'agit de la liberté de la Pologne, il ne règne plus qu'un seul esprit, une seule tendance, un seul but. C'est cela qui constitue notre force primordiale.

En 1918, la teinte noire de l'Allemagne s'est largement répandue sur la carte de l'Europe. Pas un morceau de terrain allemand n'était gouverné par les ennemis. Au contraire, l'armée allemande occupait les territoires étendus et riches d'une importante partie de l'Europe.

A l'ouest, toute la Belgique et les plus riches départements de France étaient sous l'occupation.

A l'est et au sud, toute la Pologne d'aujourd'hui, la Lithuanie, l'Autriche, la Yougoslavie, la Roumanie, etc... étaient sous la domination de l'armée allemande. Ces pays étaient pillés et ravagés pour la victoire de l'ex-kaizer.

Et voici qu'au moment des plus grands succès, au moment où la Pologne poussait très vite, au moment où en peu de temps elle s'est assimilée à tous les autres pays normaux, au moment où elle est devenue un grand pays et commençait à prendre la parole en Europe, elle fut à nouveau envahie par les armées ennemies.

Je ne suis pas assez compétent pour analyser les défaites de l'armée polonaise.

Je ne veux pas non plus analyser les systèmes de cruauté qui ont atteint le paroxysme. Il suffit de regarder quelques semaines en arrière pour se rendre compte que l'Allemagne n'a pas eu seulement pour but la défaite de l'armée polonaise, mais aussi d'exterminer toute la population.

Nous n'avons qu'à prendre par exemple l'aviation qui bombardait sans relâche la population civile, massacrant les vieux, les femmes et les enfants.

Nous n'avions pas voulu la guerre.

Aucun vrai européen civilisé ne l'a voulue. On peut l'éviter si ce n'eût été la lâche trahison de la Russie Soviétique.

La guerre dure toujours. Si je puis m'exprimer ainsi, elle commence mais cette fois-ci pour tout de bon. 

 

La tragique situation sans laquelle se trouve le peuple polonais exige l'union de tous les efforts.

Elle ne permet pas que nous nous émouvions devant les fautes commises en ces dernières années. Aujourd'hui, il faut défendre notre pays. Ce problème doit être la ligne de conduite de chacun de nous. A cet effet, un gouvernement polonais s'est constitué répondant à ces thèmes et qui a rompu avec les méthodes anciennes.

La Pologne est ouvrière et paysanne. Elle doit représenter les diverses classes sociales. De ces représentations du mouvement ouvrier polonais du Parti Socialiste Polonais (P.P.S.) sont sorties des légions en 1914.

Ce sont eux qui ont constitué par la suite l'indépendance de la Pologne. La lutte a été commencée pour une Pologne Ouvrière, Paysanne, dont le gouvernement actuel reprend les mêmes mots d'ordre.

Chaque Polonais fera des sacrifices pour que son pays soit libre, juste et aimé de tout le monde. Le devoir nous incombe à nous tous qui ne sommes encore pas sous la botte Hitléro-Stalinienne, pour que nous soyons conscients et formions encore cette partie de la population polonaise de manière à avoir de l'influence pour reconstituer une Pologne libre et indépendante.

Après la guerre, il faut que la Pologne recouvre son véritable visage. Les leçons de ces années écoulées suffisent amplement.

Chaque fois que la Pologne fut en danger, on appela la masse ouvrière. Aussi ces masses ont le droit de décider du sort du pays et ne devront pas être repoussées.

Pour nous, Polonais, la lutte pour la liberté de la Pologne n'est pas seulement une lutte pour la Pologne, nos alliés France et Angleterre ne luttent pas seulement pour l'indépendance de la Pologne, mais en même temps pour introduire en Europe un régime qui rendrait impossible toute guerre entre les pays, pour une paix éternelle et garantie, pour former des foyers que personne ne puisse venir détruire.

Tous les pays doivent vivre normalement et se développer dans l'entière liberté. Là est notre désir.

 

Jacek Marius

 

  

 

 

 

Mobilisation dans l'armée polonaise, campagne de 1940, internement en  Suisse et évasion

 

Avec les cadres du mouvement associatif polonais, Marius Jacek est recruté par le consulat de Lyon pour participer à l'organisation de la mobilisation au sein de l'armée polonaise. Lui-même est appelé le 13 mars 1940 à rejoindre son régiment à Parthenay, dans les deux Sèvres (sa naturalisation française semblant trop récente pour qu'il soit appelé dans l'armée française). Bénéficiant de sa formation, il sera un temps employé auprès du gouvernement polonais qui siège à Angers, en tant qu'interprète de Jan Stanczyk, le ministre des affaires sociales.

Mais la guerre impose sa loi, et il est versé dans la IIème division polonaise du général Prugar-Ketling, qui combat près de Belfort. Marius Jacek raconte ce qu'il a vu de ces combats et surtout le franchissement de la frontière suisse, où cette IIème division va se trouver internée jusqu'à la fin du conflit (voir ici - La 2ème division de Chasseurs - ou ici - Bronislaw SZLEPER - de nombreuses photos de l'internement en Suisse d'un autre Polonais de Montceau).

Marius Jacek réussit à s'enfuir avec un camarade et, après bien des péripéties, à regagner Montceau-les-Mines.

 

 

L'extrait audio qui vous est présenté ici détaille ces différents moments, apportant un éclairage vivant sur cette période :

 

FICHIER AUDIO

https://static.blog4ever.com/2009/05/318326/Marius-JACEK---extrait-campagne-1940---fuite-de-Suisse.mp3?rev=1644920647

 

 

De retour à Montceau, Marius va retrouver son emploi au syndicat des mineurs, dont l'activité tourne au ralenti. Au bout de quelques mois, il va finalement être embauché comme employé de bureau à la mine (le 1er juin 1943, à la division Darcy)

 

 

Avec André Proudhon, au secours des soeurs Westreich

 

Deux faits sont à noter durant la période, dont un épisode fort émouvant, puisque Marius Jacek va évoquer son amitié avec André Proudhon, personnage déjà mentionné dans respol71 (voir ici in bio Westreich). Né en 1914, dirigeant des jeunesses socialistes de Sanvignes, il vivait chez sa grand-mère Veillaud, aux Georgets, et travaillait lui aussi aux bureaux de la mine. Rien d'étonnant que les deux garçons se soient bien connus ! L'histoire a retenu qu'André Proudhon avait sauvé les deux jeunes sœurs de sa fiancée Ema Westreich, elle-même arrêtée lors de la rafle anti-juive du 13 juillet 1942 et assassinée à Auschwitz.

 

Erna Westreich et André Proudhon (1942)

 

Dans l'extrait audio ci-dessous, Marius Jacek nous révèle qu'il accompagna André Proudhon dans une tentative désespérée de récupérer Ema à Paris : ils en revinrent amers mais avec le projet de sauver ses deux petites sœurs, Mina et Netty, Marius allant se charger de collecter des tampons officiels pour leur fabriquer de faux papiers.

 

FICHIER AUDIO

https://static.blog4ever.com/2009/05/318326/Marius-JACEK---extrait-Proudhon.mp3?rev=1644920647

 

 

 

L'assassinat de Marius Mathus

 

Le deuxième fait majeur de la période sera l'assassinat du secrétaire du syndicat des mineurs, Marius Mathus, le 3 juillet 1943, commandité par le parti communiste clandestin (voir meurtre Mathus sur lestemeraires.com). On trouve en particulier dans ce lien la déposition de Marius Jacek lors de l'enquête policière :

 

 

1943 – 9 juillet

 

Charles GROSDEMANGE, Commissaire

XI° Brig Dijon

 

         Vu la Commission Rogatoire ci-jointe en date du 5 juillet 1943, à nous délivrée le même jour par M. BOUCHARD, Juge d'Instruction du Tribunal de Chalon-sur-Saône et relative à la procédure suivie contre X… inculpé de tentative d'homicide

 

         Avons fait comparaitre devant nous JACEK Marius, 25 ans, secrétaire particulier de M. MATHUS, demeurant aux Georgets n°30 à Montceau-les-Mines,

         Lequel après avoir déclaré n'être Parent, allié ni serviteur de l'inculpé et avoir prêté serment de dire toute la vérité rien que la vérité, a déposé comme suit :

         Je ne sais absolument rien de l'attentat dont a été victime mon Patron.

         Tout ce que je puis vous dire, c'est que les jours qui ont précédé cet attentat, M. Mathus m'a paru bizarre. A toutes les questions que je lui posai, il me répondait dans le vague ou même ne me répondait pas du tout. Son attitude n'était pas normale.

         A un moment je lui ai demandé ce qu'il avait. Il m'a répondu : "Si, cela va".

         S.I. Je sais que son nom avait figuré sur un tract, mais je ne pense pas qu'il ait reçu de lettres personnelles de menaces, en tout cas il ne m'en a pas parlé.

         Je sais que mon Patron avait de nombreux ennemis parmi ses adversaires, en particulier dans le parti communiste. Je n'ai cependant aucun soupçon sur l'agresseur et je ne pense pas qu'il puisse être de Montceau.

         Lecture faite, persiste et signe avec nous, ainsi que l'Inspecteur MOUZA du service qui nous assiste.

 

Le Commissaire de Police de Sûreté.

 

 

 

L'enregistrement de 1987 pour le compte du Service Historique de l'Armée de l'Air (SHD) fait le silence sur cet épisode, comme sur l'essentiel de la période passée au service du syndicat des mineurs… Sans doute une décision mûrie de cloisonnement des souvenirs.

Seule la photo figurant en tête de cet article (portrait de Mathus au-dessus de son bureau) nous révèle l'importance que l'assassinat revêtit auprès de Marius Jacek. Ajoutons que le destin de cette photo vient le confirmer : elle fut remise par Marius Jacek dans les années 1980 au petit-fils de Marius Mathus lors d'une rencontre à Montceau.

 

Autre photo, sur les marches de la mairie, vers 1939

 

 

L'été 1944

 

Marius Jacek rejoint le maquis de Sylla dans le Charolais et va participer à des attaques de convois. La Libération le retrouve à Montceau, Blanzy et Montchanin où il côtoie les éléments parachutistes SAS, intégrés au maquis. C'est avec son copain "Pierrot" Cohen que l'idée s'impose finalement de prendre un engagement dans cette unité, laquelle cherche justement à intégrer des maquisards pour combler ses pertes...

 

Une interview de l'officier SAS Philippe Akar, publiée par le JSL le 5 juillet 2015, lors de la remise de la Légion d'Honneur à Pierre Cohen, détaille cet évènement :

 

 

Philippe Akar, autre héros, (...), est présent pour honorer son compagnon d’armes avec lequel il s’est courageusement battu en France, en Belgique et en Hollande.

 

 D’ailleurs il dresse un bref aperçu historique de leur rencontre et collaboration. Après avoir rappelé que les SAS britanniques, ces troupes d’élite de commando, comportait deux régiments Français (3e RCP sous le commandement du capitaine Pierre Château-Jobert alias « Conan », 2e RCP sous le commandement du commandant Pierre-Louis Bourgoin) et un belge en plus de leurs propres troupes.

Ces unités françaises ont été les plus

 

décorées des forces françaises libres. Philippe Akar et Pierre Cohen appartenaient au 3e RCP.

 

 « Nous avions été parachutés les 11 et 12 août 1944 pour obtenir la coopération des maquis de Saône et Loire, du Lyonnais, du Cantal, etc. afin de gêner le retrait des troupes allemandes. Nous avons eu des pertes et pour combler les vides nous avons pris des maquisards, dont deux Montcelliens Pierre Cohen ici présent, et Marius Jacek. Tous les 3 et quelques 500 autres nous sommes ensuite partis libérer la Hollande. Nous avons sauté sur la province de Drenthe dans le cadre de la Mission Amherst.

 

 

Le récit que Marius Jacek fait de ces évènements, entre la libération de la Saône-et-Loire et son engagement dans les SAS :

 

FICHIER AUDIO

https://static.blog4ever.com/2009/05/318326/Marius-JACEK---Liberation-violences-engagement.mp3?rev=1644920647

 

 

 

 

Singulier hasard : Philippe Akar est décédé le 24 janvier 2022, quelques jours avant la publication de cet article. (https://linformateurdebourgogne.com/disparition-philippe-akar-parachutiste-du-sas-il-a-participe-a-la-liberation-de-montceau-les-mines/ )

 

 

De retour des combats, Marius Jacek ne reprit pas son travail à la mine, il épousa une jeune polonaise des Gautherets, Pelagia Napierala. Le jeune couple prit le chemin de Paris où Marius allait faire une carrière de cadre à la Samaritaine.

 

Revenu en Saône-et Loire à sa retraite, il allait mourir à Joncy, le 16 février 1998. C'est dans cette commune qu'il repose.

 

Homme à la fois modeste et déterminé, nous souhaitons lui donner le dernier mot à cet article qui retrace sa vie...

 

FICHIER AUDIO - Bilan d'une vie...

https://static.blog4ever.com/2009/05/318326/Marius-JACEK---Mon-bilan_9253384.mp3?rev=1644920647

 

 

Les lecteurs qui souhaiteraient recevoir l'intégralité des fichiers audio de ses souvenirs enregistrés par le SHD peuvent m'en faire la demande.... gerard.soufflet@free.fr

 



29/01/2022
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