La résistance FTP-MOI à Montceau, historique général
Le drapeau du bataillon Mickiewicz,
au Musée de l’Armée polonaise à Varsovie.
La présence communiste est très faible parmi les Polonais du bassin minier avant la guerre ; la résistance communiste polonaise naît de l'intervention de la direction parisienne de la MOI (Main d'œuvre immigrée = structure du parti communiste pour les étrangers), à partir de 1942. Boleslaw Maslankiewicz, membre du triangle national de direction de la section polonaise de la MOI, est alors chargé de développer l'organisation dans le bassin minier de Montceau, jugé en retard par rapport au Nord / Pas-de-Calais ; il commence alors de fréquentes missions.
La première initiative de la MOI consiste à créer des « groupes de sportifs » parmi les jeunes des quartiers polonais, en vue de leur préparation militaire ; quelques sabotages sont effectués sur les lieux de travail (mine pour l’essentiel). Cette activité reste marginale et l'effort essentiel porte sur la propagande dans les cités minières ; la région constitue aussi un refuge relativement abrité pour des résistants polonais recherchés d’autres régions de la zone Nord (Paris, Nord / Pas-de-Calais). La contrainte de leur ravitaillement conduit à opérer des « réquisitions » à main armée chez des paysans de la région, éveillant bientôt l’attention de la gendarmerie ; plusieurs arrestations interviennent durant l’hiver 1942-43.
C’est en 1943 que la MOI amorce la lutte armée en créant un groupe FTP-MOI qui réalise divers sabotages économiques (canal du Centre, trains charbonniers)… Pour développer ce groupe, un "commissaire militaire" est envoyé de Paris par la direction nationale de la MOI ; l'initiative tourne court car le groupe est rapidement démantelé et son chef, "Gaston", tué. (voir : voir récit Gaston 1-2-3).
Les rescapés doivent prendre le maquis. Un premier maquis "étranger", rattaché à la structure FTP-MOI de la zone Nord, apparaît alors, mêlant ces Polonais à des Russes évadés ; il se déplace aux confins de la Saône-et-Loire, de la Nièvre et de la Côte-d'Or. Il ne compte qu'une poignée d'hommes durant l'hiver 1943-44, surtout alors attachés à leur propre survie.
Les Polonais jouent un rôle important dans le déclenchement et la conduite de la grève des mineurs d’octobre 1943. La lutte politique menée au sein de la communauté polonaise contre le gouvernement de Londres les mobilise parallèlement, ainsi que la construction d’organisations de masse (« jeunesse Grunwald », union des femmes « Maria Konopnicka ») .
De février à avril 1944, des vagues d'arrestations menées par la police de sûreté de Dijon et la police allemande frappent les milieux résistants du bassin minier, et parmi eux les Polonais. Plusieurs dizaines de personnes sont déportées. Pour y échapper, quelques rescapés rejoignent le premier maquis ; parmi eux, Mieczyslaw Bargiel qui prend alors le pseudo de "Roger".
Le maquis MOI "russo-polonais" connaissant de graves difficultés, les Polonais le quittent et se retrouvent au sein de l’embryon de maquis FTPF que dirige alors Louis Boussin, pseudo "Charlot", mineur communiste parti aussi au maquis après les rafles de février-mars. Le maquis est implanté à l'Est du bassin minier, au contact des maquis FTPF de la côte châlonnaise, plus anciens et de recrutement essentiellement rural.
Ensemble, ces différentes forces FTP participent à une action d'envergure, l'attaque du sanatorium surveillé de la Guiche, le 24 mars 1944, qui conduit à la libération de 27 internés et à la récupération de 35 mousquetons et de 6 pistolets. Quelques Polonais participent à l'opération.
Afin de faciliter les mouvements du maquis, alors pourchassé par les forces de police française (GMR), celui-ci est scindé en deux groupes, Bargiel prenant le commandement du petit groupe des "étrangers" (initialement huit Polonais, deux Espagnols et un Italien libérés de la Guiche), qui va s'installer près de Marizy. L'effectif reste faible jusqu'au Débarquement.
Début juin, les groupes FTP ("Charlot", "Marc"), qui ont pris alors la dénomination de "maquis Valmy", passent à l'Ouest du bassin minier et vont se regrouper sur les contreforts du Morvan, sur le plateau isolé d'Uchon qui sépare le bassin minier de la ville d'Autun.
Au lendemain du Débarquement, ils sont rejoints par d'autres groupes FTP (certains de la côte châlonnaise, des sédentaires de Montceau, Gueugnon, le Creusot, des gens des campagnes voisines) et par une masse de mineurs qui ont quitté leur travail et sont montés spontanément au maquis. L'ensemble est sous le commandement effectif du capitaine "Pietro", nom de guerre de Paul Dessolin, instituteur de Montceau, dirigeant du Front National pour la zone Nord de la Saône-et-Loire. Le groupe polonais, devenu "bataillon", dépasse la centaine d'hommes ; Boleslaw Maslankiewicz, qui a alors quitté la direction parisienne de la MOI pour coordonner les maquis FTP-MOI de l’inter-région FTP de Dijon, l'intègre dans son dispositif ; il n'en reste pas moins intégré à Valmy, dont il dépend pour son armement (en provenance de parachutages SOE).
En pleine phase d'organisation (plusieurs centaines d'hommes sont présents autour d'Uchon), les cantonnements sont surpris par une attaque allemande, le 15 juin 1944 ; les éléments les plus aguerris du groupe polonais participent à la défense du plateau d'Uchon. Les maquisards ont dix tués, dont un polonais.
Le rassemblement FTP se disperse pendant la nuit, nombre des nouveaux arrivés regagnant leur domicile ; Bargiel conduit ce qui reste du groupe polonais plus à l'Ouest, sur les pentes du Mont-Beuvray. Ils sont alors regroupés à nouveau avec le maquis soviétique qui continuait d'exister dans la zone. Les effectifs ainsi constitués (moins d’une centaine d'hommes) sont scindés en onze petits groupes russo-polonais qui se voient attribuer des zones d'action sur un vaste périmètre à cheval sur la Nièvre et la Saône-et-Loire. Chacun cherche à harceler les forces allemandes et à saboter les installations économiques utiles à l'occupant. Si cette tactique génère pour les Allemands et les gendarmes de Vichy une certaine insécurité sur les voies de communication, son intérêt militaire est faible dans une région rurale isolée. La coordination de ces groupes est assurée dans la Nièvre par le jeune lieutenant polonais François Orlowski, "Fernand", et par un soviétique, Alexandre Tcherkassov , pseudo "Wiktor", qui sera tué le 16 juillet (voir : la mort de Wiktor).
Au fil de ce mois de juillet 1944, la situation allemande se détériorant sur le front normand et l’espoir de la libération prenant corps, les bataillons FTP reviennent peu à peu à Uchon, qui devient le centre d'une « zone libérée », entre Autun et le bassin de Montceau. A mesure que les semaines passent, de nombreux volontaires, mineurs pour la plupart mais aussi métallos du Creusot ou de Gueugnon, reprennent le chemin du maquis ; fin août, le bataillon polonais – que les soviétiques ont quitté - compte près de 400 hommes, répartis en trois compagnies (plus un groupe de ravitaillement) ; ils sont cantonnés dans les bois et les fermes proches du hameau d'Aigrefeuille, sur la commune de Charmoy (S&L), au pied d'Uchon. La structuration militaire est assurée par Théodore Plonka, ouvrier boulanger, ancien engagé de l'armée de l'armistice, qui reçoit le grade de capitaine. Les liaisons avec l'organisation FTP-MOI sont alors fréquentes, assurées depuis Paris par l'agent de liaison Madeleine Oboda, pseudo "Catherine", veuve de Stanislaw Oboda, communiste polonais fusillé au Mont-Valérien en septembre 1942. Plusieurs transports d'armes, issues des parachutages en Saône-et-Loire, sont alors organisés vers la région parisienne.
"Les Laurents", PC du maquis polonais
L’état-major FTP de Saône-et-Loire transforme le maquis Valmy en "régiment Valmy". Les non-communistes sont écartés de sa direction ; le triangle de commandement mis en place comprend « Charlot », « Roger » le Polonais et un commissaire politique, « Dupré », envoyé par l'interrégion de Dijon. En son sein, le bataillon polonais, 9ème bataillon FTP de Saône-et-Loire, devient le « bataillon Adam Mickiewicz ». Le 26 août 1944, à l'occasion d'une cérémonie à laquelle participe B. Maslankiewicz, un drapeau est remis au bataillon par l'agent de liaison de Bargiel, Wladislawa Grobelna, pseudo "Claudine", jeune ouvrière du quartier du Magny ; il a été brodé par quelques femmes de Montceau, membres de l'association « Maria Konopnicka ».
Militairement parlant, le bataillon polonais est alors responsable du barrage et de la défense d'une partie des voies d'accès à Uchon ; ses groupes rayonnent et mènent des coups de main jusque dans le bassin minier. Une dizaine d'hommes seront tués dans ces actions.
Début septembre, la libération de la Saône-et-Loire intervient au fur et à mesure que progresse vers le Nord l'armée du général de Lattre de Tassigny, qui a débarqué en Provence, le 15 août. Une course de vitesse se développe entre les maquis pour devancer l'armée et libérer par eux-mêmes les villes principales, en en chassant les dernières unités allemandes en retraite. Les maquis AS prennent successivement le contrôle des villes de Mâcon, Chalon-sur-Saône, Cluny, Charolles, des bassins du Creusot et de Montceau où n'interviennent que les Polonais du maquis POWN de Marigny. La dernière grande ville du département à libérer étant Autun, siège d'une sous-préfecture, le commandement départemental FTP donne l'ordre à "Charlot" de lancer le régiment Valmy à sa conquête. Les trois compagnies polonaises participent à la prise en tenaille de la ville, le 8 septembre 1944. Seulement Autun constitue le dernier goulot par où les unités allemandes encore présentes dans le Sud-ouest de la France tentent de s'échapper, entre les armées alliées qui descendent de Normandie, et celles qui montent de Provence. Une importante masse de troupes en retraite y est rassemblée ce jour-là, fortement armée et mieux préparée au combat rangé que les maquisards de "Charlot". Les FTP doivent se replier, en laissant 58 morts sur le terrain (dont 3 Polonais du « bataillon Mickiewicz ») ; ce n'est que le lendemain, avec l'appui des blindés et des forces de la Première armée française, que la ville est définitivement libérée.
Le bataillon polonais reste quelques jours à Autun, puis regagne Montceau-les-Mines, où il est cantonné dans l'école du quartier du Bois-du-Verne. L'endoctrinement politique est alors pressant, sous l'influence du commissaire politique Jan Witkowski, pseudo "Jacques" : l'objectif fixé est de faire du bataillon une unité de l'armée populaire polonaise en création et de participer après la victoire à la construction d'une "Pologne soviétique" (voir "Journal mural au maquis Mickiewicz" ) .
En octobre, il est déplacé au château de Cypierre près de Paray-le-Monial où il stationne, loin de ses bases ouvrières, jusqu'au 29 janvier 1945. Il est alors envoyé à Besançon.
L’effectif est assez profondément remanié : nombre de maquisards ont repris le chemin du travail à la mine ; de nouveaux venus ont compensé ces départs : résistants polonais envoyés de la région parisienne, ex-soldats polonais de la Wehrmacht faits prisonniers en Saône-et-Loire, très jeunes volontaires du bassin minier. Bargiel se consacrant de plus en plus à des activités politiques (il partira à Paris début 1945 au Bureau militaire de la délégation en France du gouvernement provisoire de la République polonaise, le "Comité de Lublin"), le commandement passe à son second, le capitaine Théodore Plonka, puis au lieutenant Julien Nowak. Finalement le bataillon, après un séjour au camp militaire du Valdahon (Doubs), est intégré au 19ème Groupement d'infanterie polonaise (19ème GIP) au sein de la Première armée française. Il participe aux dernières semaines de la guerre puis aux débuts de l’occupation en Allemagne du Sud. Beaucoup de soldats du "bataillon Mickiewicz" se retrouvent dans la 5ème compagnie du 19ème GIP, commandée par le Montcellien Julien Nowak. Ils seront démobilisés en novembre 1945 à Varsovie et versés pour la plupart dans les forces répressives du nouveau pouvoir qui s'organise en Pologne (Milice, ministère de la Sécurité publique).
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