Résistance polonaise en Saône-et-Loire

Résistance polonaise en Saône-et-Loire

2021-11-20 La réhabilitation de Robert Simon

 

Assassinat de Dziubek et Simon, épilogue...

 

 

Plusieurs articles de respol71 ont évoqué cette sanglante affaire ( ICI, ICI, ICI...  le livre "Les Téméraires" apporte tous les détails).

 

Les deux hommes avaient été exécutés le 30 juillet 1944 par un détachement FTP, au pont de Pierre-Chaude, sur la commune de Saint-Bérain-sous-Sanvignes. L'enquête menée progressivement 75 ans plus tard, avec l'aide de la famille mais surtout avec l'apport des archives de l'époque, permit d'en comprendre les raisons : seul était visé Robert Simon, que la direction communiste clandestine avait décidé de liquider dès février 1944, afin de reprendre en main les jeunes activistes des FUJP, dont les actions résistantes échappaient à son contrôle.

Stanislaw Dziubek, arrivé avec Simon d'un maquis du département de l'Ain où il habitait, n'avait été qu'une victime collatérale, peut être exécuté à la place d'un autre Polonais, Florian Smolarek, natif du Bois-du-Verne et lui-aussi meneur des FUJP.

Jusque là, le nom de Simon était resté l'objet d'une omerta ; une rumeur persistait, accusant les deux morts d'avoir été des agents allemands, auteurs de vols.

Dans son département de l'Ain, Dziubek avait cependant été reconnu MORT POUR LA FRANCE. Les éclaircissements apportés par notre enquête permirent à la famille Simon de déposer une même demande à l'ONACVG de Saône-et-Loire, fin 2019.

 

C'est l'attribution à Robert Simon de cette mention qui était célébrée le 20 novembre 2021 par le conseil municipal de Blanzy, en faisant une véritable réhabilitation publique d'un authentique résistant de la commune.

 

 

 

Cliquer sur chaque photo pour agrandir

 

 

 

Texte de la prise de parole de Gérard Soufflet :

 

Version audio

 

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Mairie de Blanzy, le 20 novembre 2021

 

   La semaine dernière, dans sa belle allocution à l'occasion de la cérémonie du 11 novembre,  Hervé Mazurek rappelait à la jeunesse de Blanzy le sens de ces hommages rendus aux combattants de la première guerre mondiale…  Il y voyait la condition de pouvoir bâtir un avenir juste et fraternel, et associait au sacrifice des poilus, celui des victimes de toutes les guerres.

   De cet hommage collectif rendu hier, à l'hommage individuel qui est rendu aujourd'hui à Robert Simon, il y a un évident fil commun, mais aussi un objet particulier de réflexion.

   Car Robert Simon a été tué il y a 77 ans, mais il a été tué par d’autres résistants, et son nom vient seulement d'être gravé sur le monument aux morts, au côté de ceux de ses compagnons. L'attribution de la mention Mort pour la France, le 30 juin 2020, a donc un goût évident de réparation…

  Et pourtant…   Pourtant Robert Simon était pareil aux nombreux jeunes Blanzynois de sa génération, la conscience pétrie des cruels récits de la guerre de 14, prompts à s'engager…

 Ses copains de prime jeunesse se nommaient Marcel Gueugnaud, Marcel Baudot, Marcel Boyer, Stefan Lipski, Georges Marchandiau, René Bobin, Pierrot Fort… tous noms encore connus des blanzynois pour avoir été de valeureux résistants, de ces Téméraires dont on vient de faire un livre. Comme eux, avec eux, il se livra d'abord à quelques gestes symboliques contre l’occupant, en lien avec le Front Patriotique de la Jeunesse que le parti communiste cherchait à implanter. De fil en aiguille, il se retrouva parmi les premiers du bassin minier, avec ceux du Champ-du-Moulin, à faire en septembre 1943 un passage au maquis FTP départemental de la Charmée, près de Chalon-sur-Saône.

Revenu ici, il se rapprocha progressivement du quartier du Bois-du-Verne où vivait une de ses sœurs. Il était mineur au puits des Alouettes et y avait donc de nombreuses connaissances. Bientôt il s'y fit une compagne, Claudia Mouche, -  et aussi un copain inséparable, doué d'un même tempérament combatif, un jeune Polonais qui se nommait Florian Smolarek, qu'on appelait "Bibi".

   Automne 1943, c’est aussi le moment où dans les principaux quartiers, comme à Blanzy, la jeune génération rue dans les brancards et se met à contester l’ordre sinistre du régime de Vichy et l’occupation allemande. C’est au sein d’une nouvelle organisation destinée à lutter contre le STO, les Forces Unis de la Jeunesse Patriotique (F-U-J-P), qu’ils se retrouvent pour la plupart, membres de groupes distincts, au Champ-du-Moulin, autour du puits Darcy, de la 8ème écluse, au Bois-du-Verne… Le chef sur le bassin minier est un jeune communiste d'avant-guerre, de Bellevue, Marcel Dérozereuil, dont le nom sera lui aussi rejeté dans l’oubli. Le recrutement est facile, bientôt les F-U-J-P rivalisent en nombre avec gaullistes et communistes réunis. Un groupe de choc est mis en place pour mener les actions armées, parfois celles auxquelles les FTP adultes ne sont pas préparés. Simon et Smolarek en sont membres et gagnent bientôt la réputation d’être les « durs » du mouvement. Ils participent bien sûr à des récupérations chez des commerçants suspects, mais aussi à des opérations spectaculaires comme l’évasion d’un camarade blessé mis sous surveillance policière à l’hôpital des Mines. Ils sont aussi impliqués dans des exécutions qui vont marquer la population du bassin minier (et que les historiens de l’avenir vont souvent valoriser comme étant exemplaires de l’engagement des mineurs, alors qu'elles furent de fait des groupes de jeunes ) : en janvier,  c’est un ingénieur compromis lors de la grève des mineurs d’octobre 1943, qui est abattu. Puis c'est un affairiste, connu pour ses relations avec la douane allemande ; finalement en février c'est au tour d'un policier du commissariat de Montceau. De plus en plus on voit ces actions effrénées mêler jeunes F-U-J-P, de la mouvance communiste, et jeunes gaullistes, parfois eux-mêmes transfuges des F-U-J-P ou du maquis de la Charmée. Elles sont menées le plus souvent hors du contrôle des organisations adultes.

   On est en février 1944. Une situation de désordre insurrectionnel inimaginable règne ainsi sur le bassin minier. Deux types d’acteurs vont chercher à intervenir ; d’un côté c'est la direction communiste départementale clandestine qui va vouloir reprendre le contrôle de ces F-U-J-P qui lui échappent ; de l'autre, ce sont les polices allemandes et françaises qui sont sur les dents pour remettre de l’ordre et préparent des rafles, celles qui frapperont les organisations résistantes dans les nuits des 21 et 22 février 1944, et dont certains vieux montcelliens se souviennent.

   On a gardé en mémoire l’arrestation par les Allemands, et le suicide, du chef de la résistance gaulliste, Henri Vairon. On sait moins que la police française se concentrait sur le démantèlement des F-U-J-P, et en particulier sur l’arrestation des meneurs, Simon et Smolarek. Ils seront nombreux à tomber, les jeunes gars du Champ-du-Moulin et du Bois-du-Verne, dont beaucoup mourront en déportation. Mais Simon et Smolarek réussiront à quitter le bassin minier et à s’enfuir, pour Robert Simon grâce à des complicités dans la population du Bois-du-Verne et au soutien d’un policier, l’inspecteur Paul Duvernois (qui sera abattu plus tard par deux hommes de main Polonais).

   On voit dans ce court récit que celui qui nous intéresse ici, Robert Simon, n’avait rien d’un tiède et se trouvait au contraire en pointe du combat résistant dans la période qui va jusqu’à fin février 1944.

 La suite ne déparera pas, car la fuite du bassin minier conduit Simon et Smolarek à l’est de la Saône-et-Loire, Smolarek au maquis de Chauffailles où il rejoint son frère Jean et où il se couvrira de gloire ; Robert Simon dans le département de l’Ain où il rejoindra les maquis gaullistes établis dans la partie montagneuse de l'Est du département. Membre du groupe de choc de la compagnie « Lorraine », dont un livre décrit l'histoire, il participera aux combats engagés par les troupes allemandes contre les maquis de l'Ain à la mi-juillet 1944 (en parallèle avec l’attaque du Vercors). Son groupe dispersé, il décide de rentrer se réfugier chez sa mère à Blanzy, accompagné d’un jeune Polonais de l’Ain rencontré au maquis, Stanislaw Dziubek.

   C’est à peine rentré qu’il est arrêté, sur ordre, par un groupe FTP de Saint-Bérain-sous-Sanvignes et abattu au pont de Pierre Chaude, en compagnie du Polonais Stanislaw Dziubek, qu’on avait certainement pris pour Smolarek… Je vous laisse trouver une explication, sachant que les tueurs laissèrent se répandre une affreuse rumeur, faisant de Robert Simon un faux maquisard, agent de la Gestapo, en même temps qu’un pilleur de fermes… Pendant des années, la famille tenta en vain d’obtenir sa réhabilitation.

 

Ce sont les recherches récentes qui ont permis d’étayer l’horrible soupçon, celui d’une condamnation à mort de Simon et Smolarek, datant de février 1944, époque où l’activisme des F-U-J-P gênait la direction communiste. Le verdict aurait simplement été appliqué au retour de Robert Simon.

Florian Smolarek échappa à ce sort funeste, car il avait eu la bonne idée de faire croire en sa mort au maquis et ne revint qu’au moment de la libération de Montceau, en uniforme et protégé par ses camarades de Chauffailles. Il reçut la Croix-de-Guerre avec étoile de bronze.

   Quant à Stanislaw Dziubek, aucune enquête n’ayant apporté la preuve d’un quelconque manquement, il fut simplement déclaré Mort-pour-la-France par le préfet de l’Ain, en 1960.

   Notons aussi que tous les compagnons de Simon au sein des F-U-J-P du bassin minier, morts en déportation ou fusillés - ce fut le cas de deux d'entre eux - ont aussi été reconnus Morts-pour-la-France. Les survivants ont été honorés…

   La décision de l’Office National des Anciens Combattants de joindre Robert Simon à cette pauvre cohorte répare donc une cruelle injustice. En sus, la décision de la commune de Blanzy d’en faire une cérémonie publique vient couronner cette réhabilitation.

 

   Merci Monsieur le Maire…

 

 

 

 

 



23/11/2021
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