Wegzryn, page 3
Józef Wegrzyn "Carlos", chef du service d'évacuation polonais en Andorre
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ANNEXES à la biographie de Józef Wegrzyn
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Les photos de "Carlos" et Jaklicz sont celles de leur dossier de démobilisation (SHD-Pau), celle de Viadiu provient de sa fille ; les autres sont tirées de l'article de Jean Medrala consacré aux filières d'évacuation, in DVD La Résistance polonaise en France, réalisé par la Société Historique et Littéraire Polonaise et édité en 2013 par la Fondation de la Résistance, département AERI.
Extrait du livre de Francesc Viadiu Entre el torb i la Gestapo
(El torb est un vent glacé des hautes vallées pyrénéennes)
Joaquín Artazu Arreola, un drôle de Basque...
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(Traduction du Catalan : Juan)
Présentation de Christian Bouquet : On peut situer l'épisode vers la fin du printemps 1943 : « Il n’y avait déjà plus de neige, à part dans les creux des ubacs, et le Géant de la Montagne [La torb, ndlr] avait repris son sommeil semestriel. » écrit Viadiu… soit au moment où Carlos arrive en Andorre, en mai 1943.
[...] Dans ma chambre de l’hôtel Pol [à San Julià de Lòria, ndlr] je travaillais avec entrain, organisant des expéditions et répondant à ma correspondance. Quelques coups sur la porte m’arrachèrent un « C’est qui ? » agacé.
« - C’est moi » – répondit Maria, l’employée de l’hôtel, toujours disposée à me jouer un tour.
« - Attention, Maria, si je sors !…
- Cette fois c’est sérieux. Il y a en bas un Monsieur qui vous demande.
- Qui est-ce ? »
En passant la tête par la porte entrouverte et avec un rire convenu, elle me répondit :
« - C’est un Monsieur qui vous apporte le bon souvenir de cette Dame que vous avez abandonnée en France.
- Merde ! Il était temps ! » - m’exclamai-je, en pensant qu’il venait de la part d’Éloïse.
« - Fais-le monter tout de suite, cours, Maria !
- Regardez, regardez comme il s’active si vous lui parlez de la Dame » - railla la bonne en descendant l’escalier à bride abattue.
Peu de temps après, quelques coups plus durs et plus secs.
« - Entrez » - dis-je en français.
« - Vous êtes Alexis ? » - demanda-t-il dans un bon castillan.
« - Lui-même. »
« - Je viens de la part d’Éloïse. Ma visite était annoncée, pas vrai ? Je suis Joaquín.
- Oui, je savais qu’un Polonais devait venir, qui me donnerait beaucoup de travail » - répondis-je.
« Je ne suis pas Polonais, je suis Basque » - dit le nouvel arrivant. « Basque ? » Et je restai à le regarder d’un air un peu étonné, parce que je savais, grâce à la lettre d’Éloïse, que devait arriver un Joaquín Polonais et non Basque.
« - Si, si, Basque. Regardez mes papiers, ils vous indiqueront mon nom. »
Il me tendit un sauf-conduit et une carte d’identité au nom de Joaquín Artazu Arreola. Bien, bien. Ses papiers accréditaient bien son origine basque, mais ni son physique, ni son castillan ne l’accompagnaient aucunement. De taille normale, très robuste, son visage n’avait rien de basque. Couleur de courge avec un peu de duvet à la moustache ; un rire de lapin donnait un air infantile à son visage.
Je restai un peu interdit parce qu’il me coûtait de comprendre comment cet homme, qui m’était recommandé par le service et avait sa visite et son objet annoncés à l’avance, persistait à jouer avec moi la comédie qui le voulait Basque. Mais, lui-même – pensais-je -, s’il croit te rouler, il est assez naïf !
Le soir, après le dîner, il revint dans ma chambre et, me dit discrètement :
« - Vous savez, je ne suis pas Basque, mais il ne faut dire à personne que je suis étranger, parce que merde ! il faut être vigilant. »
[...]
Il allait et revenait de La Massana deux ou trois fois par jour, pédalant comme un damné. Il parlait à tout le monde et au bout d’une semaine passée ici, il avait rencontré des douzaines de guides, discutant les prix. Au tout début, les gens d’ici le prirent pour un Allemand.
[…]
Avec Joaquín, notre chaîne prit une intensité débordante, disproportionnée pour des vallées si étroites. Autant Alfred [Antoni Forne, ndlr], un compagnon qui servait lors des réceptions du personnel au Serrat, que moi, nous essayions de prendre toutes les précautions, chose que le Polonais négligeait, mais il n’y avait pas moyen d’arrêter cette crue humaine qui, au travers de notre chaîne, s’écoulait depuis la France occupée. Nombreux étaient les jours où nous arrivaient de trois à quatre expéditions, et les expéditions se composaient de quinze personnes, normalement.
La bicyclette qu’utilisait Joaquín les premiers jours s’était changée en une moto qui vrombissait constamment et partout sur la route. Pour écarter, tant que faire se pouvait, les expéditions des yeux du public, j’avais installé à Aixirivall, un hameau à deux kilomètres de San Julià, une sorte de centre d’hébergement."
On aura compris que Joaquín Artazu Arreola est en fait Carlos. C'est Maria-Rosa Viadiu, la fille de Francesc qui permet de faire le rapprochement ; elle avait eu l'occasion après la guerre de faire la connaissance de Carlos venu rendre une visite à Francesc Viadiu alors à Barcelone.
Etrangement Viadiu n'évoque jamais Carlos dans son récit. Pourtant à la lumière de ce que les documents révèlent on voit mal comment il n'aurait pas su que celui qu'il appelle Joaqu?n était aussi appelé Carlos ?… Et dans le rapport d'interrogatoire de Józef Wegrzyn il n'est jamais fait mention d'un Joaquín Artazu Arreola ?...
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